Congo – Incivilités et délinquance juvéniles : " Pionnier ! Servir", des fondamentaux oubliés

Il ne se passe pas un jour, sans que ne soient décriés des cas d'incivilités, voire d'outrage envers autrui, pour lesquels des jeunes et adolescents s'illustrent désormais dans une véritable dérive, notamment avec le phénomène dit « bébés noirs ».

De nombreux jeunes ne respecteraient plus l'ensemble des règles de vie en communauté telles que le respect d'autrui, la politesse ou la courtoisie. Ils sont simplement inciviques, et cella semble devenir « une marque de fabrique » qui épouse les contours d'une société, d'un «  monde qui s'effondre ».

En ces jeunes, beaucoup d'adultes ne retrouvent plus les valeurs essentielles qui fondaient l'Homme ou la Femme et forgeaient en eux des qualités d'une citoyenneté convenable, dans le « commerce social », tel qu'il en fut dans leur jeunesse.

Il est vrai, « autres temps, autres mœurs ». Mais, les mœurs sur lesquelles reposent les bases éthiques et morales d'une société se transmettent de génération en génération et deviennent l'essence même d'un peuple.

La formation de la personnalité humaine est l’œuvre de plusieurs influences. Lucien Malson ne dit-il pas, « l'Homme est tout éducation » ?

Dans les pratiques juvéniles désormais décriées au Congo, il va s'en dire que tous, parents, acteurs politiques et pouvoirs publics ont des responsabilités partagées.

Avec la « révolution » d’août 1963, les mouvements de jeunesse des scouts ou autres « louveteaux » qui contribuaient à l'encadrement moral et multiforme des jeunes furent remplacés par d'autres, dits révolutionnaires, le Mouvement National des Pionniers, sous la conduite de l'UGEC puis de l'UJSC.

Ainsi, les adolescents étaient des « pionniers », avec pour devise, « servir ».

Outre l'enseignement pédagogique, les autres activités résultaient en un encadrement sur la droiture du futur militant, soumis à un code éthique et moral.

En classe, les cours débutaient par la leçon de Morale à laquelle succédait la leçon d'Hygiène avant d'aborder les autres matières, question d'avoir « un esprit sain dans un corps sain ».

Revisitons les lois du pionnier.

Outre les activités dites de militantisme, ceux des parents qui pratiquaient la religion encourageaient leurs enfants à "faire le catéchisme". Une somme d'enseignements qui contribuaient à former un bon chrétien, partant, un bon citoyen.

Fort des lois dont il était fier, le pionnier devait se distinguer par le travail et la discipline.

Les plus méritants arboraient un foulard rouge au cou, alors que les autres en avaient un vert. Et, c'était signe d'émulation.

Aussi, par exemple, le pionnier saluait-il quand il était en tenue, ou se mettait « à l'aise », l'équivalent du « garde à vous », se tenant debout, droit, les bras le long du corps, les talons joints, la tête haute, quand il voyait passer un convoi mortuaire, un enseignant ou une autorité.

Le salut qui symbolisait l’amitié et la politesse s’exécutait de la main droite restée ouverte, posée sur la tête à hauteur du front, le pouce replié sur la paume et les 4 autres doigts tendus. 

Le soir, l'adolescent qui devait étudier ses leçons, s'abstenait de sorties au delà de 21 heures, s'il n'était pas accompagné d'un adulte, au risque de tomber sous le coup de la « loi Portela » ou encore de croiser des patrouilles de police ou des miliciens qui l'arrêteraient et le conduiraient au poste ou au siège de la mairie d'où la sortie se ferait contre payement d'une amende, une entorse au budget familial.

À la Conférence nationale, tout cet édifice de formation morale de l'individu, quoique sur fond de considérations politiques, fut détruit, sans solutions de remplacement. Depuis le gouffre s'est creusé.

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville