Congo – Pool : Reportage exclusif auprès des déplacés en panne d'assistance

Depuis septembre 2016, la situation s'est fortement dégradée avec l'insécurité grandissante dans le Département du Pool. La multiplication des attaques armées et les affrontements entre la Force Publique et les miliciens «ninjas» ont de graves conséquences humanitaires en raison du déplacement massif de la population. Nous nous sommes rapprochés au plus près de ces hommes, femmes et enfants logés dans des sites d'accueil. Leur quotidien se résout désormais à la survie et ils ont besoin d'aide.

Après les décès, les blessures, les viols et toutes autres formes de sévices enregistrés en leur sein, les populations des zones affectés par les troubles ont trouvé refuge dans les sites, d'autres dans les familles d'accueil. Une partie importante de cette population, non encore estimée est en train de errer dans les forêts.

Sur la base des statistiques disponibles fournies par le Gouvernement à partir du 3 novembre 2016, et qui restent à affiner, le nombre de déplacées est d'environ 12 986 personnes (11 307 personnes dans le Département du Pool et 1679 personnes hors Pool, dans la région voisine de la Bouenza).

Ce sont pour la plupart des femmes et enfants de moins de 5 ans qui représentent 68,3% du nombre total des déplacés internes.

Parmi les besoins prioritaires identifiés par le gouvernement figurent la protection, la santé, le logement, la toilette quotidienne et l'assainissement ainsi que l'alimentation.

Depuis janvier 2017, Médecins d’Afrique, en partenariat avec le fond des Nations-Unies pour la population (UNFPA) assure la prise en charge des populations déplacées du pool en matière de santé génésique et la prise en charge des violences basées sur le genre, avec un accent particulier sur les violences sexuelles.

Les actions menées depuis lors se résument en :

l'évaluation des besoins des formations sanitaires des zones de refuge des déplacés du pool (Kinkala, Louingui, Mindouli et Kindamba dans le département du Pool, ainsi que Loutété et Yamba dans le département de la Bouenza), l'organisation des sessions de renforcement des capacités des agents de santé en matière des soins obstétricaux et néonatals d’urgence et de base, la formation des agents de santé, sur la prise en charge clinique du viol, la formation des psychologues et des agents psychosociaux sur l’écoute et la prise en charge d’un cas de traumatisme psychologique, la formation des relais communautaires sur la communication sociale en matière de santé génésique et les violences sexuelles, la dotation des structures de prise en charge en intrants pour la santé génésique et la prise en charge des survivantes de viol.

Distribution de kits de dignité aux victimes de viol, distribution de serviettes hygiéniques aux filles et femmes en âge de procréer, distribution de préservatifs (masculin et féminin), appui technique aux structures de prise en charge.

Pratique d'une césarienne par l'équipe de Médecins d'Afrique

Au-delà de cette prise en charge qui se résume actuellement à la santé génésique et la prise en charge des survivantes de viol, il est à signaler que les besoins non couverts sont immenses et les moyens pour les couvrir font défaut.

Des cas de malnutrition sont observés surtout chez les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes. Le nombre d’enfants nés avec un poids de moins de 2500 grammes a été de 72 sur 405 accouchements dont cinq gémellaires, au cours du premier trimestre dans les cinq structures où des accouchements ont été réalisés.

On compte une dizaine de sites de déplacés du Pool. Cinq à Kinkala, notamment à la paroisse Catholique, au poste de de l'Armée du Salut et à Madiba. Deux sites dans le district de Louingui, notamment à Louingui-Centre et à Moudzouka, ainsi que deux sites dans la Bouenza, à l'ancienne ferme de la Sonnel et à Loutété.

Outre Médecins D'Afrique, les ONG Caritas et EAT assurent l'assistance aux déplacés des différents sites. Cette assistance ne couvre pas l'ensemble des besoins. Ainsi, ces hommes et femmes constituent désormais une main d’œuvre bon marché car les aides à leur endroit sont sporadiques.

Dans les localités où les écoles contribuent à payer le salaire de vacataires, les déplacés assurent eux-même la scolarité de leurs enfants, soit 5000 à 6000 francs CFA le mois.

Afin de résoudre tant soit peu la situation nutritionnelle, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a mis en place un dispositif « mobile-money » avec des boutiques agréées à Kinkala. Les ménages bénéficiaires dudit dispositif ont été répertoriés en fonction de la vulnérabilité. Veuves ou familles nombreuses. Pourtant, tous les déplacés sont en situation de vulnérabilité.

Dans les sites, les hommes qui naguère vivaient des travaux champêtres sont réduits à passer le temps au jeu de dame ou au ludo, quand ils ne sont pas conviés à des tâches quelconques, sous payées de surcroît. Beaucoup en sont devenus dépressifs.

Consultation médicale, les hommes de plus en plus dépressifs

Actuellement, en dehors de la zone accessible, il existe une zone mise en quarantaine, non accessible se trouvant le long du chemin de fer et dont les populations sont sans assistance. De très sévères cas de malnutrition y seraient signalés, y compris chez les personnes adultes.

Bertrand BOUKAKA