Congo – Banditisme juvénile : Aux grands maux, Raymond Zéphirin Mboulou propose les grands remèdes

Il y a quelques jours, le Ministre de l’Intérieur, de la Décentralisation et du Développement local, Raymond Zéphirin Mboulou, annonçait l’initiative de la reprise des patrouilles pédestres et mécanisées de la Force publique, avec en outre des contrôles d’identité étendus aux citoyens de tout âge le cas échéant, tard dans la nuit. Cette mesure s’inscrit dans le cadre de la lutte contre le banditisme et la criminalité qui prolifèrent dans les villes congolaises avec entre autres acteurs, les « bébés noirs » comme principaux malfrats. Pourtant, de la société congolaise d’où beaucoup criaient à l’insécurité pour laquelle ils invitaient le gouvernement à la prise de mesures draconiennes, certaines voix s’élèvent pour dénoncer une action qui serait rétrograde à leurs yeux. Un retour aux méthodes dites du PCT, du temps du monopartisme. De quoi ceux qui élèvent la voix, sans rien proposer en retour auraient-ils peur ?

« Quand on s’est trompé de route, on repart à la croisée des chemins »

Depuis quelques années, les violences urbaines sont devenues quasi endémiques, avec des délinquants de plus en plus jeunes. Dans la recherche des solutions au problème, le rôle des parents, de l’école, de la justice ou autres psychologues est souvent évoquée. Dans les différents secteurs précités, les actions n’ont presque jamais produit les effets escomptés. Sans doute par manque de coercition, ce qui va de soit, tant les personnes à insérer sont dans une rupture de socialisation et foncièrement adeptes de la violence.

Il va s’en dire qu’un problème de sécurité ne peut avant tout se régler qu’avec des moyens sécuritaires. Et dans l’histoire sociale du Congo, celle-là même à laquelle nombre d’adultes et surtout de décideurs actuels furent soumis, à une époque où la violence urbaine était des plus résiduelles et presque inexistante, des us et méthodes acceptés de tous garantissaient la paix et la quiétude, dissuadant de facto les malfrats à la commission de certains crimes et délits.

Là où, (ayons tout de même le courage de l’avouer), toutes les méthodes axées sur la donne sociale actuelle, en terme de garantie sécuritaire pour les citoyens n’apportent que des résultats mitigés, en dessous des attentes tant de la hiérarchie que des citoyens, qui sont les plus exposés à cette insécurité et cette violence qui nous débordent de tous les côtés, le Ministre de l’Intérieur, de la Décentralisation et du Développement local, Raymond Zéphirin Mboulou, a cru bon de proposer de revisiter le passé, à travers des principes qui garantissaient les résultats que l’on ne peut atteindre aujourd’hui.

Une décision responsable. Car autant, l’homme reconnait en toute humilité que l’on s’est peut-être trompé dans certaines approches de solutions, autant il s’arme de ce courage politique qui veut que ne compte que l’intérêt du grand nombre, ce peuple dont il a reçu mission de Président de la République, de garantir la paix et la sécurité, en veillant entre autres missions qui lui sont dévolues, à la quiétude et la libre circulation des personnes et des biens.

De son initiative, le Ministre avait naturellement informé sa hiérarchie, en l’occurance le Président de la République et le premier Ministre. De là, en proposant la mesure dont il est désormais l’objet des réactions toutes aussi mal venues qu’incompréhensibles surtout auprès de ceux qui devaient en soutenir l’initiative, il y a de quoi se demander, pourquoi ?

Souvenons-nous et osons comparer !

Lorsqu’en 1991, lors de la conférence nationale, les congolais affirmèrent leur volonté du renouveau démocratique, certains conférenciers crurent s’inscrire dans le véritable changement, en faisant table-rase du passé. Le changement ne fut ni plus ni moins qu’une réhabilitation des anciennes structures, à défaut d’un ''détricotage'' de toutes les structures mises en place par le système monopartiste.

Dans cette œuvre de changement, la jeunesse fut complètement dépouillée de ce qui faisait sa base idéologique et sécuritaire. Il fallait ''tuer'' l’UJSC et la Milice populaire, que l’on ''rendait responsables du délitement de la jeunesse'', aux dires de certains conférenciers.

Dans cette volonté du changement, on avait nullement pensé aux solutions de rechange, afin de ne pas laisser un vide qui régénérerait tous les vices tant soi peu longtemps refrénés.

Qu’il s’agisse de la discipline à l’école ou dans la société, la disparition de l’UJSC et de la Milice populaire fit apparaitre des comportements plus libertins, dans une espèce de ''tout permis où personne n’a le droit d’interdire''.

Dans les écoles, très vite, les surveillants dépourvus des ''brigades disciplinaires'' que composaient les activistes et postulants de l’UJSC, furent submergés et confrontés à toutes les incivilités. Depuis, la situation a évolué de mal en pis, avec des faits qui parfois dépassent l'entendement.

Dans la société, les comportements antisociaux n’en proliférèrent pas moins et en l’absence de la Force d’appui que représentait la Milice populaire, notamment pour les patrouilles de nuit, la police fut rapidement confrontée à un problème d’effectifs et surtout de déploiement sur le terrain.

Être partout à la fois, là où était signalé un danger, se révélât quasiment une mission impossible. Depuis, la situation est exponentielle face aux villes de plus en plus grandes et aux effectifs de police au ratio déséquilibré, par nombre d’habitants.

C’est justement ici que les créateurs de la Milice populaire étaient peut-être visionnaires. Qu’il s’agisse des entreprises ou les arrondissements, structures dans lesquelles elle était déployée, la Milice populaire était avant tout une Force de proximité. Elle était composée d’hommes et de femmes habitant le même quartier et disposant des renseignements de première main, quant aux points chauds qui seraient des repères de bandits et autres malfrats. D’autre part, les patrouilles exclusivement pédestres, à travers les rues, pas ou mal éclairées, avaient un caractère dissuasif et étouffaient la commission même du crime ou délit, car empêchant le déploiement des malfrats. Ceux qui osaient s’entêter, étaient bien souvent pris.

Elle avait certes des défauts, cette Milice populaire. Nulle structure humaine n’est à l’abri des brebis galeuses. Cependant, son action pour la paix et la quiétude des citoyens, se ressent depuis qu’elle n’existe plus. Beaucoup l'évoquent encore avec une pointe de nostalgie, quand des actes sordides sont commis dans leur quartier ou qu'ils en sont victimes, surtout la nuit.

Sans réduire les libertés individuelles, les comportements nocturnes des citoyens étaient plus responsables et la loi Portela, (jamais abrogée), interdisait le vagabondage nocturne pour les moins de 18 ans non accompagnés d’une personne majeure, elle même munie de sa carte d’identité.

Paradoxe congolais. De quoi les pourfendeurs du Ministre Mboulou ont-il peur ?

Dans la période que nous venons d’évoquer et dont les personnes victimes de violences font souvent référence, avec une pointe de regret, jamais personne de se sentit en restriction de liberté.

Nombre de textes qui garantissaient cette période, n’ont jamais été abrogés et demeurent toujours d’application, même si s’appuyant sur la nouvelle donne politique, plus personne n’y fait recours, chacun se complaisant à la situation actuelle, tout en la dénonçant, sans jamais agir en conséquence.

Désormais, on tire prétexte du contrôle de la carte d’identité évoquée par le Ministre de l’Intérieur, pour récuser une initiative dont la pratique a déjà fait ses preuves et en bien.

Ce que les pourfendeurs du Ministre Mboulou manquent de préciser, c’est que la carte d’identité est un document obligatoire que tout citoyen devrait avoir sur lui. Elle ne sert pas seulement au contrôle de police, en donnant l’identité de la personne. D’autres informations qu’elle contient sont souvent utiles selon les situations. Lors d’un accident où la personne ne peut s’exprimer du fait de son traumatisme, ses parents sont souvent retrouvés sur la base de ce document.

Ceux qui vivent en occident, d’où certaines voix se sont élevées, savent que jamais ils ne s’aventurent loin de chez eux, sans avoir ce document sur eux.

À mois d’être mesquins, ou de verser dans la politique politicienne, ils savent bien que la présentation de la carte d’identité à des agents de police n’est en rien le signe d’un État policier. Du reste tard dans la nuit, il est de règle que lors d’un contrôle de police, aux occupants d’une voiture, il est demandé la présentation de leurs pièces d’identité, en plus des documents du véhicule.

« La nuit, tous les chats sont noirs ! »

La commission d’un crime ou délit est toujours favorisée par un environnement jugée propice pour le malfaiteur, car aussi téméraire soit-il, il n’aimerait nullement se retrouver dans les mains de la police, partant dans celles de la justice.

Si l’environnement de la commission du crime ou du délit lui est défavorable, il s’avisera, dans l’attente d’un moment propice. Et si jamais, celui-ci ne vient pas, il commencera, face à la mouise, à envisager de lui-même une reconversion, dans des activités plus licites.

Le Ministre Mboulou n’a nullement demandé de ''ressusciter'' la Milice populaire, ni d’instaurer un couvre-feu permanent. Mais face aux défis sécuritaires urbains qui imposent d’attaquer le mal à la racine et compte tenu des résultats mitigés engrangés dans la lutte contre tous ces fléaux d’insécurité pour lesquels tous les congolais sont pourtant unanimes, le Ministre a proposé de revenir à ce qui marchait avant.

Même du temps où le contrôle de la carte d’identité était de rigueur la nuit, il n’était pas empêché aux citoyens de sortir de nuit. Et puis, une actualité récente nous a démontré qu’en dehors des bébés noirs reconnus comme tels, catégorisés en « américains », « arabes » ou autres jamaïcains, à qui on attribuaient tous les crimes recensés ici ou là, d’autres « tontons », plus barbus que les « bébés », pourtant investis de la mission d’assurer l’ordre et la sécurité, profitaient de l’environnement créé par eux, pour agir en toute impunité. Dire que le vers était aussi dans le fruit.

Peut-être qu’il en existe encore d’autres de façon résiduelle, ceux qui de tout temps, tiraient quelques subsides de l’insécurité ainsi maintenue et ils savent que les mesures édictées par le Ministre Mboulou risqueraient de les exposer, à défaut, de les priver de sources additionnelles de revenus.

Une Force publique investie dans sa mission première

La Force publique, notamment la Police et la Gendarmerie pourquoi pas, des unités de l’armée sur réquisition, selon que l’exigerait la situation, a pour mission (cette Force publique), de garantir la paix et la sécurité des citoyens. Cette mission emprunte du sens du Devoir pour la Patrie, conditionne l’engagement premier pour lequel on est appelé sous les drapeaux.

Cette mission est noble et le Ministre Raymond Zéphirin Mboulou entend simplement y redonner toute sa dimension, ainsi que lui en a missionné le Chef suprême des Armées, le président Denis Sassou N’Guesso, lors du réveillons d’armes. C’est bien l’une des raisons pour lesquelles un recrutement est à venir, afin de disposer des effectifs opérationnels conséquents, pour l’accomplissent de cette mission, l’une de celles qui fondent les liens entre la Force publique et la population.

Déployée aux moyens de patrouilles pédestres ou motorisés qui vont mailler coins et recoins des villes et campagnes surtout de nuit, la Force publique mènera des actions répressives et dissuasives à la fois.

Soutenue par un renseignement de proximité qu’apporteront les autorités, tant au niveau de la zone, du quartier ou de l’arrondissement, afin d’orienter la force publique sur les zones à traiter, il va de soi que ce sera bien un début de solutions à un fléau qui a vite fait de gangrener toute la société.

Ainsi face à cette nouvelle donne, on se sera inscrit dans la dynamique: Action, Répression, Dissuasion, Insertion.

Le Président de la République le rappelait en ces termes : « Ce travail doit se poursuivre et le gouvernement a reçu la mission de réaliser en 2023 la mise en place de deux centres de rééducation, d’encadrement à des jeunes délinquants dont un à Aubeville dans la Bouenza et l’autre à Bokania, dans la Cuvette. Ces centres devraient connaître leur fonctionnement effectif au cours de l’année 2023. Ainsi, de façon résolue nous devrions mettre un terme à ce banditisme violent qui a des noms divers dans les villes. Nous devons mettre un terme à ce phénomène ».

Cette problématique est abordée par l'écrivain-chercheur Michel Innocent Peya dans son livre intitulé Jeunesse et Destin - Jeunes du monde, monde des jeunes.

Un livre dans lequel il  analyse le phénomène et esquisse des pistes de solutions, entendu qu'à cette jeunesse dont on est en charge de garantir l'avenir, il faut savoir canaliser le devenir. 

Chacun devrait enrichir la réflexion, de quoi a-t-on peur ?

Reste au parlement de définir le cadre de la loi. Au moins, la réflexion est lancée par le Ministre Mboulou et elle peut être approfondie, sans s’interdire de quoi que ce soit.

Les réactions en chaîne notées de ci de là, devraient conforter le Ministre Raymond Zéphirin Mboulou, en ce qu’il est sur la bonne voie. À moins que certains de ceux qui s'agitent, n'aient des agendas cachés et que la nuit ne soit leur moment d'une nuisance incognito. 

Permettez, que nous vous rappelons, Monsieur le Ministre, ces mots de Jules Claretie qui ne vous échappent pas: « Tout homme qui dirige, qui fait quelque chose, a contre lui ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui font précisément le contraire, et surtout la grande armée des gens d'autant plus sévères qu'ils ne font rien du tout. »

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville