Personne ne l’a vu venir, pourtant le coup a été rude. Antoinette Sassou Nguesso a été poignardée dans le dos. Et la blessure est vive. Elle a beau avoir l’effet d’un coup de canif, c’est une de ces blessures dont on garde la cicatrice entre chair et os, avec le sentiment d’une horrible trahison.
La présidentielle du 20 mars dernier a livré ses résultats. Dans les états-majors politiques l'heure est au débriefing. Évaluer les performances réalisées et s'assurer de l'implantation territoriale du parti ayant soutenu le candidat, en prévision des joutes futures, notamment les législatives.
Les individualités qui se sont impliquées dans la campagne auprès des candidats, parfois en fonction de leur implantation dans un fief donné, tirent également le bilan de l'action. Pour Antoinette Sassou Nguesso, ce bilan a un goût amer. Le goût de la traîtrise dans le fief qui est le sien.
Antoinette Sassou Nguesso s'est personnellement investie dans cette campagne auprès de son époux de candidat autant avec son cœur d'épouse qu'avec toute la puissance du réseau d'associations qui répondent d'elle.
À Pointe-Noire et dans le Kouilou, les associations se prévalant de la Première Dame trônent en terrain conquis. ''Mama Ngouli'' ne pouvait espérer bien mieux pour garantir l'élection de son candidat d'époux. De même, le Parti Congolais du Travail (PCT, parti au pouvoir) a toujours dit de la ville de Pointe-Noire qu'elle était une citadelle imprenable. Quoi de mieux pour se conforter d'une base électorale quasiment acquise et qui aurait offert une assise convenable en terme de voix. Hélas, il n'en a pas été le cas.
Que s'est-il donc passé à Pointe-Noire et dans le Kouilou, pour que les résultats de Pointe-Noire et du Kouilou soient aussi catastrophiques, sinon minables ?
Excepté le district de Mvouti où Parfait Aimé Koussoud Mavoungou a véritablement « mouillé le maillot » ; Denis Sassou Nguesso y engrange un honorable score de 93,83%, partout dans le Kouilou ainsi qu'à Pointe-Noire, le PCT et associations affiliées ont fait moins que limiter la casse. Ils ont simplement coulé, Ils ont trahit.
On revoit encore les sages vilis remettant les attributs du pouvoir à leur gendre, disaient-ils, Denis Sassou Nguesso, sous le regard assuré de son épouse, leur fille.
Antoinette Sassou Nguesso s'était sentie honorée. Elle l'était davantage quand les sages avaient promis à leur fils, le président donc, la victoire sur ces terres qui sont aussi les siennes en sa qualité de membre à part entière de la famille.
Paroles ! Les résultats le prouvent. De tous les arrondissements de Pointe-Noire, seul Mvounvou atteint la barre des 30%. 32,60% exactement.
Les associations ont beau chanter comme la cigale lors des activités festives financièrement soutenues et promues à grands renforts médiatiques, elles n'ont pas rapporté la moindre « mouche ni vermisseau ».
Quant au PCT qui présentait Pointe-Noire comme une citadelle imprenable, il a presque capitulé et livré le Fort sans coup férir. L'étendard dans la poussière, au sol.
Le PCT a été incapable de soutenir dans la durée et jusque dans les urnes, l'élan né du meeting de Denis Sassou Nguesso au rond-point Lumumba. L'armada d’apparatchiks venus de Brazzaville a plutôt créé la démobilisation et les querelles de chefs, gestion financière des fonds de campagne oblige, plutôt que de mutualiser les forces avec les structures locales qui ont la maîtrise du terrain. Ce comportement pantagruélique a eu les conséquences que l'on sait.
Fussent-ils ministres ou membres du bureau politique, les délégués nationaux du PCT à Pointe-Noire auront bu le calice jusqu'à la lie. Ils se justifieront peut-être, à moins que cette contre-performance ne leur coûte leurs maroquins car, ont-ils encore des ressources pour « aller plus loin ensemble ? »
Ainsi qu'on le voit, la performance électorale réalisée dans le Kouilou par Denis Sassou Nguesso n'a pas manqué d'affecter Antoinette Sassou Nguesso, la fille du terroir. Ne dit-on pas « qu'on est jamais mieux servi que par soi-même, sinon les siens ? »
Même si elle ne le laisse pas paraître, Antoinette Sassou Ngesso a été touchée. Stoïque, elle tient le coup. Elle en a déjà vu de bien pire. Avec le temps, auprès de son époux, les épreuves se sont transformées en expériences. Toutefois, telle la bouche qui perd une dent, la langue y repassant la renverra à l'évidence. Elle se rappellera toujours qu'un jour, elle fut trahie par les siens, poignardée dans le dos.
Arielle KAMBISSY