Jamais moment n’a été aussi sensible, que celui de la période électorale qui s’est ouverte depuis ce vendredi 4 mars. Autant les différents candidats vont s’affronter à travers les joutes oratoires, avant le scrutin, autant le travail des journalistes sera également scruté. Leur bonne conduite est plus que jamais interpellée.
Dans la perspective de la couverture médiatique de l’élection présidentielle du 20 mars prochain, le ministère de la Communication et des médias chargé des relations avec le Parlement a organisé du 02 au 03 mars à Brazzaville en partenariat avec le système des Nations unies, un atelier de renforcement des capacités des journalistes sur le thème : « Médias et défis à relever en période électorale ».
L’objectif visé par cet atelier était de renforcer les capacités des professionnels des médias congolais selon une approche fondée sur le respect des droits de l’Homme et la promotion de la paix.
Les journalistes ont été formés pour se familiariser avec les aspects liés au respect des droits de l’Homme dans le contexte électoral, au code de bonne conduite en vue de son application. Le rôle fondamental des journalistes en tant qu’acteurs essentiels dans la promotion des scrutins transparents, inclusifs et pacifiques a aussi figuré parmi les thèmes.
« La presse peut être perçue soit comme un maillon clé du progrès de la démocratie, soit comme une menace pour celle-ci. Il convient donc d’exercer ce noble métier en observant rigoureusement les règles éthiques et déontologiques qui le gouverne. En période électorale, en particulier, cela suppose un respect strict des exigences liées à l’équité dans le traitement de l’information », a déclaré le représentant résident adjoint du système des Nations unies au Congo, Mohamed Abchir.
Cette observation place certes le journaliste en position d’acteur tant est-il qu’est matière communicationnelle, il est dans son élément. Pourtant, en matière de communication en période électorale, le journaliste n’est qu’un catalyseur au processus dont il est chargé de rendre compte si d’aventure, il ne s’érige pas en journaliste-militant.
Ainsi, Mohamed Abchir aura mieux fait d’ajouter, « Considérant la place et le rôle des médias dans tout le processus électoral, particulièrement dans les pays africains d’expérience récente en matière de démocratie pluraliste, il est clair que le professionnalisme des médias nécessite des améliorations en vue d’aider les journalistes à œuvrer en toute impartialité dans le traitement et la diffusion de l’information électorale et les mettre à l’abri des dérives de toutes sortes susceptibles de menacer la paix sociale. Surtout lorsqu’il s’agit d’une élection présidentielle ».
Il vrai que le journaliste se doit d’être à la fois un communicant mais aussi un psychologue, voire un psychiatre. En plus d’être le thermomètre qui présente la température de la société, il se doit d’être également le thermostat chargé de la réguler afin d’éviter que des mots « m-o-t-s » des uns et des autres ne génèrent des maux « m-a-u-x ».
Mais, que peut le journaliste, lorsque ceux chargés de lui donner de la matière rabaissent le débat au raz des pâquerettes ?
La période électorale est d’une intense tension informationnelle. Chacun veut savoir dans des délais relativement courts ce qui se dit, ce qui se fait, voire ce qui se trame. Tous ceux qui détiennent une information susceptible de rassurer de conforter ou d’apaiser, se doivent de communiquer, afin de ne pas faire jouer au journaliste le mauvais rôle, celui de rechercher l’information par d’autres moyens.
Pour faciliter le travail des journalistes, la CNEI le ministère de l’intérieur ainsi que les différents candidats devraient avoir des cellules de communication qui mettraient à la disposition des journalistes l’information officielle par des points de presse selon une périodicité convenue. Cela éviterait que s’installe le doute et le non dit.
Tous les points de vue et situations seraient alors commentés et expliqués afin d’éviter que certains ne donnent dans la surenchère, fautes d’éclaircissement. Car, comment comprendre par exemple que lors des résultats du référendum, que le ministre de l’intérieur lise des résultats du genre 9500 inscrits, 9500 votants, 9500 suffrages exprimés, 9500 « oui ». Même dans une élection de chef de classe, au moins un élève se serait absenté. Une communication claire aurait permis de lever des doutes sur ce qui peut le cas échéant apparaitre comme étant du tripatouillage, tant l’action paraît matériellement difficile à soutenir.
Que dire des différentes tendances sorties des urnes que tout le monde attendra fiévreusement, impatiemment, les journalistes en premiers, mais dont ils n’auront pas le droit d’évoquer et que personne non plus n’évoquera officiellement, si ce ne sont quelques candidats ayant compilés dans leurs états-majors des résultats que l’on récusera officiellement, arguant qu’ils n’auront pas préalablement fait état de « traitement arithmétique conséquent par les organismes habilités».
Ainsi, à tort ou à raison, consciemment ou inconsciemment, les tergiversations administratives mettront le journaliste dans un inconfort professionnel. Quel jeu devrait-il alors jouer, entre la collusion du non-dit officiel et le « dit » officieux sorti des officines ?
Le président du Conseil Supérieur de la Liberté de Communication (CSLC) Philippe Mvouo a appelé les médias au ressaisissement en vue du bon déroulement de l’ensemble du processus électoral dans le pays.
L’appel au ressaisissement est lancé pour que l’élection présidentielle ou les campagnes qui s’y collent ne polluent pas l’atmosphère de paix et ne vicient pas les espoirs qu’elle présage», a-t-il déclaré.
Philippe Mvouo a également rappelé que les médias étaient tenus à des obligations strictes de traitement de l’information, du respect des règles d’éthique et de déontologie conformément à la charte des professionnels des médias.
«Il vous est recommandé de donner la parole à tous les acteurs politiques et de la société civile, d’organiser des tribunes où le débat contradictoire serait de mise, où la lecture comparative des programmes des candidats serait utile et profitables aux électeurs…», a-t-il renchéri.
Concernant les acteurs politiques et de la société civile, le président du Conseil supérieur de la liberté de communication, a souligné la responsabilité de réaliser «une communication politique propre».
En jugeant de ce qui est bien ou mauvais à diffuser, le journaliste ferait de la censure et s’attirerait les foudres de l’une ou l’autre partie. En diffusant ce qui froisserait l’une ou l’autre partie, il appellerait à la violence, ce qui est contraire à son éthique et à la déontologie. Pourtant, dans les deux cas, il n’est qu’un vecteur, un corps amphotère diraient les chimistes. Celui qui permet la réaction chimique, sans y interférer.
Oui monsieur le président, «une communication politique propre» implique bien la responsabilité de tous.
Benoît BIKINDOU