Congo - Situation politique : « lorsque l'Église et l'État se font la guerre, le pays court à la ruine »

La déclaration des évêques congolais publiée le 10 mai dernier a été accueillie par l'exécutif comme une immixtion de l'Église dans le débat politique, faisant dire au porte-parole du gouvernement que « l'Église sort de son rôle ». Les deux institutions se chevaucheraient t-elles désormais ?

Dans un message, publié jeudi 10 mai, les évêques de la Conférence épiscopale du Congo se sont livrés à un diagnostic sans concession des « origines du mal » qui mine le Congo-Brazzaville. Aux yeux des évêques, les difficultés que traverse le pays sont liées au changement de Constitution intervenu en 2015.  Ils ont également invité les différents acteurs de la vie sociale, politique et économique à sortir de leur torpeur.

Dans une espèce de « réponse du berger à la bergère », le Gouvernement, par la voix du ministre Thierry Moungalla a sur le sujet, fait une mise au point auprès de nos confrères de RFI.

« Je ne sais pas en quoi l'adoption d'une nouvelle Constitution par le peuple le 25 octobre 2015 a un rapport avec la crise socio-économique que nous vivons. Je voudrais qu'on fasse le lien. Est-ce qu'avec l'ancienne Constitution, celle de 2002, on aurait pu enrayer la chute brutale des prix du baril de pétrole? Je m'interroge sur la cohérence des évêques à ce sujet. Deuxièmement, je ne vois pas en quoi, l'organisation d'un dialogue politique alors que les institutions fonctionnent normalement, que le gouvernement est à la tâche, que le président de la République préside, je ne vois pas l'objet contenu et les finalités d'un éventuel dialogue qui serait organisé pour régler une situation qui n'est pas une situation d'ordre politique, mais une situation d'ordre socio-économique, je considère que l’Église catholique, comme l'ensemble des cultes dans notre pays, devraient plutôt faire que ce mauvais moment, douloureux pour la population, puisse passer avec le moins de dégâts sociaux possibles. Et je crois qu'elle sort de son rôle quand elle décide de se substituer à l'opposition pour envoyer un message politicien à l'opinion nationale et internationale. » a dit en substance le ministre de la communication, porte-parole du gouvernement.

Pour de nombreux analystes, l'Église et l'État sont tous deux dans le rôle qui est le leur, car, même si la Cité repose, comme le veut une tradition constante, sur les paroles du Seigneur : " Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu " (Mt 22, 2 1), l'Église et l'État exercent leurs pouvoirs sur les mêmes personnes, voire à l'égard du même objet. Il ne leur est pas permis de s'ignorer, et il convient même au plus haut point qu'elles agissent de concert, pour leur plus grand profit et pour le plus grand profit de leurs membres.

En 1991, face à la dérive que prenait le Congo, et pour éviter qu'il ne sombre davantage, l'État et sa société civile ont eu recours en l'Église, à travers monseigneur Ernest Kombo, pour mener la conférence nationale en conciliant au nom de Dieu des points de vue pour la plus part divergents, ce pour l’intérêt de tous et surtout celui de l'État alors impuissant et menacé de délitement.

L'homme, destiné par Dieu à une fin surnaturelle, a besoin tant de l’Église que de la société civile pour parvenir à la perfection. Chacune de ces sociétés à savoir l'Église et l'État, est dotée des moyens nécessaires au bon accomplissement de sa mission : aussi bien, l'une et l'autre sont parfaites, ce qui veut dire que chacune d'elles, dans son ordre respectif, est souveraine, et par conséquent non soumise à une autre.

Quoi qu'il en soit dans les récentes déclarations, la vérité ne se trouverait ni dans la thèse des uns, ou dans l'antithèse des autres, mais dans la synthèse des congolais, qui les réconcilierait.

Le sage ne disait-il pas : « lorsque l'Église et l'État se font la guerre, le pays court à la ruine ».

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville