Congo – Institutions : Le mois de mars serait-il celui de tous les dangers ?

Dans la conscience collective congolaise, le mois de mars est à tort ou à raison, considéré comme celui de tous les dangers, avec un risque de reversement violents des institutions. Depuis des années, ce mois est traversé avec tous les clignotants en alerte, comme si l'on redoutait un danger quelconque, alimenté par la clameur publique.

Mars est le troisième mois de l’année dans les calendriers julien et grégorien. C’est aussi le premier mois du printemps dans l’hémisphère nord.

À l'origine du calendrier romain, le mois de mars était le premier de l'année car le retour des beaux jours marquait le début de la période de la guerre.

Mars, fils de Jupiter et de Junon, est le dieu de la guerre. Il a donné son nom à la planète Mars car celle-ci apparaît dans le ciel rouge sang, comme la guerre.

Au Congo, le mois de mars a justement pris le sens de la guerre et du sang, sinon celui des actions violentes, sans doute du fait les événements violents qui s'y produisirent, et qui on marqué l'histoire collective.

Le 23 mars 1970, le lieutenant Pierre Kinganga surnommé Sirocco tente un putsch militaire contre le président Marien Ngouabi. Sa tentative échoue. Pierre Kinganga est abattu comme d'autres « acolytes » et surtout de nombreux jeunes qu'il avait entraîné dans son aventure.

Le corps de Kinganga exposé en caleçon suscite de l'indignation auprès de nombreux congolais qui voient en cet acte une déchéance d'humanité. Une abjection qui jetait l'opprobre sur le pays.

Depuis, comme si l'histoire allait se répéter, le mois de mars se vivait comme un anniversaire macabre.

Le 19 mars 1976, le président Marien Ngouabi échappe miraculeusement à un accident d’hélicoptère. Il est porté disparu un peu plus de 48 heures, avant de réapparaître sain et sauf. Certains de ses proches ont péri dans l'accident. Dans le pays, on redoute déjà quelque chose de maléfique et de presque irrationnel qui planerait sur le mois de mars. Le pressentiment prend corps un an plus tard.

Le 18 mars 1977, le président Marien Ngouabi est assassiné. L'acte est vécu par les congolais comme le paroxysme de l'horreur politique. Jamais pareilles faits ne s'étaient produits au Congo jusqu'à ce jour.

Le 22 mars 1977, le cardinal Émile Biayenda est assassiné. Pour les congolais, cet acte qui est un véritable sacrilège, a entraîné de facto la « malédiction » du pays que l'on dit souillé par ce « sang innocent ».

Le 25 mars 1977, le président Alphonse Massamba Débat est exécuté. Il est soupçonné d'être impliqué dans la mort du président Marien Ngouabi.

On retiendra qu'en un mois, celui de mars 1977, le Congo a perdu deux présidents et un cardinal, de façon violente et dans des affaires politico-militaires. Trois personnages qui ont joué des rôles éminemment particuliers dans la vie du pays et dont la mort est vue comme une malédiction.

Depuis, ces tristes jours de mars semblent hanter la mémoire des congolais.

Comme si la nature voulait conforter cette hantise, le 4 mars 2012, l'explosion d'un dépôt de munitions ravageait le quartier de Mpila à Brazzaville. Le bilan fut effroyable. Plus de 300 personnes perdirent la vie.

Cette peur émotionnelle n'a pas quitté les congolais.

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville