Congo – Sécurité intérieure : " Quand les cuisiniers se disputent, le rôti brûle...'' 

Arrestation du général Norbert Dabira, limogeage du général Nianga Ngatsé Mbouala, dissolution de la maison militaire du chef de l'État, interpellations au sein de la Force publique, perquisitions diverses aux domiciles des officiers supérieurs, le tout sur fond de tentative de coup d’État et d'atteinte à la sûreté de l'État, il y a assurément quelque chose de pourri au sein de la Force publique congolaise. Une situation pour laquelle le peuple se voit en droit de s’inquiéter.

Stabilité des institutions, une vie dans la paix et la quiétude, les congolais ont toujours puisé ce sentiment de confort dans la Force publique qui de tout temps s'efforce de sécuriser le peuple et de le rassurer par le tremplin Armée-Nation.

Aussi, lorsque l'Armée tousse, c'est dans le peuple que se ressent la poussée de fièvre, avec un sentiment de vulnérabilité et une inquiétude qui va crescendo.

Les événements de ces derniers jours à Brazzaville avec l'implication désormais avérée des officiers de haut rang dans une tentative de reversement du régime par l'élimination physique du chef de l'État sont venus casser un lien fort de la vie de la Nation et risquent d'ouvrir, si l'on y prend garde, une dangereuse brèche pour toutes les dérives.

L'implication des officiers généraux, dans cette tentative de déstabilisation montre que c'est quasiment une bien bonne partie de la structure militaire qui est compromise.

Des officiers généraux au leadership affiché, aux officiers de terrain, jusqu'aux sous-officiers et hommes de rangs, les valeurs fondamentales, honneur, discipline, esprit de sacrifice sont partagées dans un « esprit de corps » qui fait qu'une conspiration contre les institutions menée dans le milieu est assurément dévastatrice en terme du nombre de personnes impliquées ou potentiellement impliquées. Et soudain, tous les chats sont gris.

Dans le peuple, le sentiment d'insécurité est tel que l'on se demande, comment cela va t-il se finir. Un sentiment davantage plombé par les patrouilles militaires lourdement armées qui opèrent depuis quelques jours dans les quartiers du centre de Brazzaville.

L’armée a pour fonction essentielle la protection de la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’État contre les agressions extérieures. Celle ci est placée au cœur même de l’État ; elle est l’institution centrale de l’État.

L’armée est le garant de la légalité républicaine, elle incarne la patrie sous la conduite du chef suprême des armées.

Mais, l’armée constitue d’abord un ordre avec ses rites, ses chefs, ses uniformes, drapeaux, chants, et codes.

Coupables ou pas coupables, les différents chefs militaires qui pour les besoins de l'enquête vont être interpellés par leurs subalternes en grade, se verront assurément leur autorité s’émousser.

Certains accepterons cette humiliation, d'autres s'y opposeront, à tort ou à raison et se défendront, à la vie ou à la mort, avec les seuls moyens dont ils disposent ; les armes.

Un incident mal venu peut être déclencheur d'un incendie. Un incendie qui réduira en cendres toute la structure institutionnelle et que personne ne pourra maîtriser, car il impliquera ceux habituellement commis à cette tâche.

Pendant ce temps, les fourneaux auront consumé le rôti qui y mijotait...

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville