Obama, des larmes contre les armes

Le lobby des armes a peut-être pris le Congrès en otage mais il ne peut prendre l'Amérique en otage", a lancé le président américain pour mieux dénoncer l'inaction de ses adversaires républicains. Les républicains, majoritaires dans les deux chambres refusent de légiférer sur ce thème.

Entre émotion et pugnacité, Barack Obama a réaffirmé mardi "l'urgence absolue" d'agir sur les armes à feu aux Etats-Unis. Le président américain a dévoilé une série de mesures pour mieux encadrer et contrôler leur vente. Ces mesures certes politiquement limitées ne sont pas moins explosives.

Le principal objectif des mesures annoncées lors d'une longue allocution à la Maison Blanche vise à colmater les failles du système en vigueur sur le contrôle des antécédents judiciaires et psychiatriques des acheteurs d'armes. Entre foires itinérantes et ventes sur internet, nombre d'entre eux échappent aujourd'hui aux procédures fédérales imposées à un individu qui se rend dans une armurerie homologuée.

Ses adversaires républicains jugent qu'en court-circuitant le Congrès, Barack Obama outrepasse ses pouvoirs et foule aux pieds le deuxième amendement de la Constitution qui stipule qu'il ne pourra être porté atteinte au "droit du peuple" de détenir et de porter des armes.

Le sujet reste très sensible aux Etats-Unis où la culture du port d'armes est fortement enracinée et la question s'est d'ores et déjà imposée au cœur de la campagne pour l'élection présidentielle du 8 novembre.

Quelque 30.000 personnes trouvent la mort par armes à feu aux Etats-Unis chaque année.

"Le temps des excuses pour justifier l'inaction est révolu", a lancé Barack Obama, en présence de nombre de familles de victimes des fusillades qui ont endeuillé le pays ces dernières années.

Parmi elles Jennifer Pinckney, veuve du pasteur Clementa Pinckney, tombé, avec huit autres noirs, sous les balles d'un jeune partisan de la suprématie blanche à Charleston en Caroline du Sud, en juin. Ou encore Mark Barden, qui a perdu son fils dans la tuerie de l'école primaire Sandy Hook en décembre 2012. 26 personnes y avaient trouvé la mort, dont 20 enfants.

 

En évoquant vers la fin de son discours cette fusillade, l'un des pires carnages jamais commis dans un établissement scolaire, le président américain a essuyé quelques larmes: "A chaque fois que je pense à ces enfants, ça me met en colère", a-t-il dit, la voix brisée.

Après cette tuerie, le débat avait semblé, un temps, prendre une tournure différente aux Etats-Unis. Barack Obama avait chargé son vice-président Joe Biden, fin connaisseur des arcanes du Congrès, de s'emparer du dossier. Quatre mois plus tard pourtant, les élus sonnaient le glas d'une véritable réforme. Pointant du doigt le lobby des armes. Le président américain dénonçait alors "un jour de honte pour Washington".

Présentant ses mesures, Barack Obama a ironisé sur les inquiétudes du lobby des armes, soulignant qu'il ne s'agissait pas d'un "complot visant à confisquer les armes de tout le monde".

 

 

La portée et l'efficacité de ces mesures seront cependant extrêmement difficiles à mesurer. La Maison Blanche se garde bien d'avancer la moindre prévision chiffrée sur le nombre de personnes concernées.

Afin d'assurer une meilleure application des lois existantes, Barack Obama a proposé la création de 200 nouveaux postes au sein de l'Agence fédérale sur l'alcool, le tabac et les armes (ATF). Il suggère par ailleurs au Congrès un investissement de 500 millions de dollars pour améliorer la prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiatriques.

Le président américain a aussi appelé à mettre les ressources nécessaires au service de l'innovation pour plus de sécurité. "Si nous savons faire en sorte qu'un enfant ne puisse ouvrir un tube d'aspirine, nous devrions pouvoir nous assurer qu'il ne puisse appuyer sur la gâchette d'une arme", a-t-il dit.

Les candidats républicains ont rivalisé de formules pour dénoncer l'initiative présidentielle et promis, à l'unisson, d'effacer d'un trait de plume toutes les mesures annoncées mardi s'ils étaient élus à la présidence.

L'homme fort du Sénat, Mitch McConnell, a annoncé mardi que le Congrès allait examiner la légalité des nouvelles annonces du président.

L'exécutif assure que ces mesures sont en tout points conformes à la Constitution et entrent pleinement dans le cadre de ses pouvoirs présidentiels.

"Aucune des décisions annoncées par la Maison Blanche n'aura un impact majeur sur l'épidémie de violence par les armes en Amérique", constatait, amer, le New York Times dans son éditorial. "Mais c'est parce que Barack Obama, seul, a une marge de manœuvre limitée", ajoute le quotidien qui dénonce l'attitude des élus républicains du Congrès.

Bertrand Boukaka