Komono : Un chimpanzé mort, se transforme en personne

Lundi dernier, Adrien Ngoulou, 48 ans, de nationalité congolaise, s'est rendu à la chasse dans l'après-midi à Komono dans le département de la Lékoumou que vers 16 h, il entendit les cris des singes, qu'il se posta entre la grande forêt et les vieilles plantations d'où venaient ces cris, espérant que les singes allaient passer des vieilles plantations à la forêt, que s'apercevant qu'ils s'éloignaient plutôt de lui.

Le jeune chasseur, avec son calibre 12 en bandoulière, décida de les suivre quand, sous le feuillage, il vit venir à lui un chimpanzé, que celui-ci s'approchant de plus en plus de lui en hurlant, il se vit dans l'obligation de le charger à la tête d'un coup de feu, que le chimpanzé tomba et fit plutôt entendre un cri d'homme, qu'il se redressa en homme et put encore faire plus de 1.000 mètres en forêt en courant, quand Martine Mbou, qui le rencontra, en partant à sa plantation avec un panier au dos, le prit par la main, que la victime s'affaissa et mourut sans rien dire, qu'appelés au secours, les villageois vinrent, reconnurent et transportèrent au village le corps de Patrice Missié Ngouaka, un habitant de Komono.

Interpelé par la police qui a ouvert très rapidement son enquête, le jeune chasseur, père de famille, a soutenu qu'il voyait parfaitement clair lorsqu'il avait fait partir le coup de feu et qu'il avait bien identifié sa victime à un chimpanzé, qu'il ne chasse d'ailleurs pas pour la première fois, ayant déjà capturé trois depuis qu'il chasse à Komono et dans les environs.

Attendu qu'un homicide involontaire n'est punissable que si c'est bien un homme qui a été tué par maladresse, imprudence ou négligence, que dans le cas d'espèce Ngoulou a visé en plein jour et a tiré sur un chimpanzé et non sur un homme, que si le chimpanzé est devenu homme après le coup de feu, le jeune chasseur ne peut plus être retenu dans la prévention d'homicide involontaire.

Il est de notoriété publique au Congo-Brazzaville que les hommes se changent soit en panthère, soit en gorille, soit en éléphant, etc., pour accomplir des exploits, éliminer les ennemis ou attirer sur eux de lourdes responsabilités, défendre leurs plantations et ravager celles des voisins et des amis, que ce sont des faits qui sont inconnus du droit occidental et dont le juge congolais doit tenir compte, qu'il est en effet inconcevable à l'esprit européen qu'un homme par exemple puisse faire plus de 400 km en 2 heures à pied, ou qu'un individu ayant reçu une charge de plomb dans la tête, et après être tombé, se relève et arrive encore à faire plus de 1.000 mètres en forêt en courant, que tel a été le cas de Patrice Missié Ngouaka, 85 ans, de nationalité congolaise.

Il faut encore faire savoir qu’au Congo, les transformations des hommes en animaux féroces sont encore en vue de ne pas effrayer le gibier, pour s'en saisir, plus facilement. Patrice Missié Ngouaka, qui est parti en chasse sans armes, n'en avait donc pas besoin puisqu'il pouvait prendre du gibier autrement qu'avec une arme.

S'il faut punir les homicides involontaires de chasse, il y a lieu toutefois de considérer les cas et de sévir contre ces pratiques magiques et sorcières qui peuplent le Congo-Brazzaville, surtout en matière des opérations en forêt, et qui retardent énormément l'évolution de la société congolaise.

Les policiers de Komono etle tribunal de Sibiti ont l'entière conviction que Patrice Missié Ngouaka s'est transformé en chimpanzé en forêt où il aurait été en chasse sans arme et à l'insu de personne, et que M. Ngoulou, chasseur, plusieurs fois vainqueur des chimpanzés, ne pouvait pas tirer en plein jour sur un homme contre lequel il n'avait aucun antécédent défavorable dans la ville de Komono.

Par ces motifs, Adrien Ngoulou sera-t-il déclaré non coupable des faits qui lui sont reprochés ?

Qui vivra verra !

Jack de MAÏSSA / Les Echos du Congo Brazzaville