Congo : Dissolution et restructuration de la SNE et SNDE, un dossier explosif

Le Sénat congolais a adopté il y a quelques jours, deux projets de loi portant dissolution de la Société nationale d’électricité (SNE) et la Société nationale de distribution d’eau (SNDE). Même si le président du Sénat a recommandé « d’être particulièrement regardant en veillant à ce que les opérations post dissolution des deux entreprises se mènent dans la stricte observance de la parole donnée par le gouvernement », il n'en demeure pas moins que de nombreuses zones d'ombre non éclairées par le ministre Zoniaba, donnent à ce dossier un caractère explosif.

Le président  du Sénat espère que l'exécutif tiendra effectivement ses engagements pour que demain, les délibérations de cette chambre au sujet de ces deux entreprises ne soient pas génératrices de tensions sociales.

Cependant, malgré son optimisme, les sénateurs sont restés inquiets et préoccupés, au regard d’innombrables interrogations qui entourent ce dossier.

Le sénateur Daniel Abibi, par exemple, a laissé entendre que lorsqu’on aborde les dossiers de ce genre, le risque est grand de perdre de vue l’intérêt général pour s’attarder sur les intérêts particuliers.

Il s’est posé plusieurs questions parmi lesquelles l'opportunité de ce projet de loi, sa pertinence et si les effets attendus sur le plan social sont de nature à calmer le jeu car, a-t-il dit, la politique de l’autruche est à éviter. « Il faut qu’au plan social, les travailleurs aient la garantie de conserver leurs emplois, cela est essentiel car nous avons vu, dans ce pays, des dissolutions qui ont entraîné des remous, parce que les nouvelles sociétés viennent avec des exigences. Elles exigent des personnels qualifiés et ceux qui ne le sont pas, que deviendront-ils ? L’autre préoccupation, c’est la question des dettes laissées par la SNE et SNDE, qui les paiera ? », s'est interrogé le sénateur.

D’autres inquiétudes évoquées ont porté sur les prochains statuts de la SNE et la SNDE, ces sociétés devant être réformées sous le modèle Ohada.

Répondant à toutes ses préoccupations, le ministre de l’Énergie et de l’hydraulique, Serge Blaise Zoniaba, a simplement dit que face à la faillite de l’État, ces sociétés doivent être réformées pour de meilleurs services car c’est ce que la population attend d'elles.

Cependant, le ministre de l’Énergie et de l’hydraulique, Serge Blaise Zoniaba a sans doute, à dessein, omis de préciser que les phénomènes de restructuration désignent des processus diffus de transformation des organisations dans une recherche de flexibilité et d’avantages compétitifs, comme les réductions d’effectifs, les fusions acquisitions, ou encore les refontes de processus et les réorganisations internes.

Dans de nombreux cas, elles résultent de décisions stratégiques et de choix de gestion, une démarche polémique qui interpelle sur ses effets sociaux et humains.

Face au gigantisme du nombre d'agents que comptent la SNE et la SNDE, la première mesure dans la logique de toute restructuration, sera d'en réduire les effectifs, afin de faire des économies sur la masse salariale à l'évidence en inadéquation avec le service à produire et surtout les profits à réaliser, pour des entreprises qui n'intégreront plus la notion de « service public ».

Ainsi, en restant sur la logique de création de sociétés plus compétitives, la restructuration de la SNE et la SNDE induira forcément un recentrage sur le «cœur de métier», visant à assurer une meilleure lisibilité de l'activité ainsi qu'à externaliser les contraintes, surtout de productivité et de gestion des aléas conjoncturels.

Les critères sélectifs des agents devant rester dans les nouvelles entreprises, seront si drastiques, que nombreux seront remerciés.

D'autre part, un recentrage sur le «cœur de métier» conduirait à des mouvements de désengagement d'activités, ou d'externalisation d'activités, de délégation à des partenaires ou de travail en réseau. Cela alourdirait la facture pour des clients qui à l'évidence devront également payer pour tous les services annexes.

Mais, il y a aussi le passif des sociétés dissoutes. En cela, les sénateurs sont plus qu'interrogateurs, à l'instar du sénateur Stanislas Nguié qui voit en ces dossiers SNE et SNDE, à l'évidence mal ficelés, une espèce de fuite en avant, un voyage vers l'inconnu. « C’est quand même dommage que dans le cadre de l’analyse des dossiers importants comme ceux-ci, qu’on n’ait pas mis à la disposition du Sénat les états financiers de la SNE et SNDE. Ces états doivent être audités par des auditeurs indépendants, le transfert de plein droit de patrimoine de la SNE et de la SNDE à la nouvelle entreprise qui paiera les dettes », a relevé, le sénateur Stanislas Nguié.

Quoi qu'il en soit, sans avoir toute les cartes en mains, en votant la loi, le Sénat a donné un blanc-seing au gouvernement pour poursuivre son action dont nul ne peut présumer des conséquences à venir.

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville