La rédaction de l’histoire de l’Afrique doit-elle être écrite par les historiens africains ou les historiens africanistes ? (Par Michel Mboungou-Kiongo)

La rédaction de l’histoire de l’Afrique par les historiens africains, demeurera le défi permanent lancé à l’intelligentsia africaine. L’UNESCO, a ouvert le chantier à travers l’organisation du colloque sur la rédaction de l’histoire générale de l’Afrique en huit volumes.

Cependant, à la suite de ce chantier, rien n’empêche de continuer ce projet, en adoptant un nouvel angle de vue : recentrer la prise en main de ce travail continu par une institution de nature panafricaine comme l’Union Africaine. Voire en créer une ou d’autres selon une géostratégie régionale à réinventer.

Car à terme, le but est d’installer et de faire éclore, de façon pensée, une synergie parmi les sous-régions du continent qui se spécialiseront en fonction des potentiels intrinsèques qui les caractérisent chacune. S’en suivra, bien après, l’étape de la consolidation des entités sous-régionales en organisations étatiques d’où germera la dynamique multifactorielle (politique, économique, industrielle, technologique, culturelle et spirituelle) les fédérant en des États-Unis d’Afrique.

Et, il va sans dire que le management de tous les composants d’un projet de cette envergure devraient être forcément pris en charge par une structure éminemment stratégique pilotée exclusivement par des Africains triés sur le volet par des critères de vigilance pour faire émerger une nouvelle conscience africaine agissante et responsable.

C’est ce cockpit de gouvernance typiquement africain, qui se définira, et fera réaliser les livrables impératifs du nouveau paradigme conduisant à l’installation de l’Afrique de ce siècle et des temps sociopolitiques à venir. Au regard de ce qui vient d’être énoncé, ci-dessus, il est impératif pour l’intelligentsia africaine de travailler au réajustement de la manière de repenser et réécrire l’histoire de l’Afrique par des historiens africains : n’en déplaise aux sonneurs de tocsin du statut quo de la marche du monde depuis plus 2000 ans.

Car c’est une voie d’impasse de penser que la rédaction de l’histoire coloniale africaine devrait être écrite en partenariat avec les historiens des anciens empires : les Africanistes. Pourquoi ? Parce que les démons du biais de parti pris, viendront toujours hanter le positionnement des uns et des autres sur les routes du récit mémoriel.

Nous pensons que le challenge intellectuel à relever par les ressortissants des deux “rives du long fleuve de l’histoire coloniale” serait que chaque “rive” porte un regard d’historien sur cet “écoulement” ou “mainstream” de l’agir de l’Homme, en l’occurrence son impact, sur le temps et l’espace humain.

Comme l’a écrit, le professeur en histoire, Abraham Constant Ndinga-Mbo, - dans l’introduction de son livre “Pour une histoire du monde teke; méthodologie et réflexions”, - : “ Le propre de l’historien est de découvrir l’origine des choses. Or notre tradition épistémologique est de trop courte vue pour y parvenir ; mais, rien ne nous interdit de nous y efforcer encore. Le cas de l’Afrique est pertinent où la longue négligence cherche encore aujourd’hui dans la courte durée, selon l’excuse ordinaire de la dimension et de l’homogénéité des sources ; comme si c’était la source qui crée l’objet. Non, l’historien cherche son objet et, pour y parvenir, utilise, découvre et invente toute source valable et possible.”

Ce qui précède, est tellement d’importance, qu’il est de bon ton de citer davantage Abraham C. Ndinga-Mbo, lorsqu’il écrit, dans le paragraphe suivant, “Au XXIe siècle, on ne peut plus continuer à nous encombrer de la problématique de l’historiographie coloniale, à savoir que notre histoire ne peut pas être écrite valablement, faute de documents écrits, étalant de ce fait une ignorance grave des fondements de l’histoire comme “science”.”

Le postulat, ci-dessus, pose en vérité le défi que devraient relever les historiens africains : les historiens africains sont-ils en capacité de rédiger l’histoire de l’Afrique, en relevant le défi d’aller à la quête de la preuve historique (et non idéologique), sans la sempiternelle main tendue par la rescousse des historiens européens africanistes.

C’est tout le défi lancé par la nouvelle conscience agissante africaine, et surtout par la jeunesse africaine du continent, celle de la diaspora et de l’afro-descendance, à l’intelligentsia africaine sur le continent et à celle résident, par les affres de l’histoire (en question), en dehors du continent africain.

Michel Mboungou-Kiongo ancien DG de Télé Congo (1994-1997)