RELIGION : Ngunza-matsouaniste, une communauté religieuse universelle

Les Ngunza-Matsouanistes sont une religion, mieux une doctrine prêchée par André Grenard Matsoua, qui en fit son cheval de bataille sa vie durant pour défendre la spiritualité ancestrale. Le 17 janvier 2022, les Ngunza-Matsouanistes ont organisé une grande campagne de prière, à l’esplanade du Palais des Congrès de Brazzaville, afin de commémorer cette date de naissance de Matsoua. Anicet Massengo, le chef spirituel édifie sur la quintessence desdites festivités. Il nous peint Matsoua le spirituel et non, le politique ou le résistant dans cette interview.

Les Echos du Congo Brazzaville : Qui êtes-vous et quel message prêchiez-vous ?

Anicet Massengo : Nous sommes Ngunza-Matsouanistes :on est Ngunza en tant que pratiquant, ngunza en tant que doctrine, aussi, en tant que communauté religieuse. On parle des ngunza dans tous les quatre (4) coins du monde. Nous sommes universellement reconnus.

Le 17 janvier dernier, vous aviez organisé une grande retrouvaille au Palais des Congrès de Brazzaville. A quelle occasion était-ce ?

Il y a eu un homme que « Nzambya mpungu », le Dieu créateur a envoyé, qui s’appelle Matsoua « Kivukissi », qui est une conscience, qui est venu nous apporter la lumière. Cet homme est né le 17 janvier 1897 à Manzakala, dans le district de Mbanza-Ndounga, département du Pool. On a constaté sa disparition le 13 janvier 1942 à Mayama.

Vous dites, disparition ?

Oui ! Disparition, parce que nos ancêtres, quand ils ont reçu l’information qu’il était mort dans la prison et qu’on a enterré nuitamment, ils sont allés vérifier et n’ont pas trouvé le corps de Matsoua. C’est plus tard qu’on apprendra que ‘’Mfumu Matsoua’’ n’était pas mort ce jour-là. Comme c’est cette journée qu’on a décrété la mort de Matsoua, c’est pour cette raison que nous parlons de disparition. Mais, nous savons qu’il est mort.

Y a-t-il eu d’autres activités ? Quel a été le thème de cette journée ?

Cette journée a été célébrée sous le thème : « Une pensée partagée n’appartient plus à son penseur, mais plutôt à l’humanité toute entière ». Justement pour dire aussi que, Matsoua, ce n’est pas un homme du Pool, ce n’est pas un homme du Congo, ni un homme de l’Afrique, mais c’est un homme de l’humanité. Il appartient à l’humanité, parce que, il a apporté la lumière. Moi qui vous parle, je suis le « ngudi nganga », l’équivalent de chef spirituel de notre communauté.

Justement, vous êtes le chef spirituel de la communauté ngunza ?

Ngunza-matsouanistes. Parce que, les ngunza, c’est comme les chrétiens, on trouve les catholiques, les évangéliques, les salutistes, etc. Matsoua c’est un sauveur, il est venu pour sauver tout le monde. L’homme sur terre peut avoir des groupes, des fraternités qui portent le nom de Matsoua.

Qu’est-ce qui vous différencie des autres ngunza ?

Je dirais plutôt, ce qui nous unit, c’est de croire en Matsoua comme sauveur et à ‘’Nzambya mpungu’’, qui nous a créé.

Et vous utilisez quel livre de chevet pour les enseignements : la Bible ou le Coran ?

J’aurai souhaité que vous me demandiez si vous utilisez le Coran ou un autre livre, pourquoi seulement la Bible. Chaque peuple a sa culture, chaque peuple a sa tradition et nous avons nos enseignements que nos ancêtres nous ont laissés. Parce que, si le colon était arrivé avec la Bible au Royaume Kongo ou au Congo, on serait tous adeptes du Coran. Et comme ce sont les chrétiens qui sont arrivés en premier, c’est pour quoi on a l’impression que le livre sacré, c’est la Bible. Sinon, vous devez peut-être me demander pourquoi vous n’utilisez pas le Coran.

Évidemment, vous vous basez sur lequel des livres sacrés : les uns utilisent la Bible, les autres, le Coran. Sur quels principes moraux vous fondez vos enseignements pour vulgariser la pensée de Matsoua ?

Je voudrais répéter une phrase que mon grand-père me disait : « Je n’ai pas envie de vous répondre par une question ». Parce que, pour voir que voler est un péché, que c’est mauvais, est-ce que je suis obligé de lire la Bible ! L’adultère n’est pas une bonne chose, dois-je lire la Bible ou le Coran ? C’est l’éthique, c’est de la morale. Tout ce qui est bien, reste bien. Ce qui est mauvais, restera toujours mauvais. Donc, c’est un problème culturel, mais, je pense qu’il y a des similitudes. Et je pense que, le bonheur ou les bienfaits sont universels. Nos ancêtres aussi avaient leur façon de vivre, leur façon de marcher. C’est pour ça qu’on nous a toujours donné l’impression qu’on nous a apporté la civilisation. Mais, chaque peuple a sa civilisation, et nous avons la nôtre. Comme disait Mfumu Matsoua, « ma passion est spirituelle, tant qu’elle restera spirituelle, elle deviendra universelle ».

Y a-t-il d’autres événements programmés ?

Oui, les événements, c’est tous les jours. Tous les jours, créé votre histoire. Tous les jours, apporte un enseignement. Les événements, c’est nous les hommes. Quand on a voulu célébrer la naissance de Mfumu Matsoua, le 17 janvier, on l’a fait, à Brazzaville, où nous avons réuni tous les ngunza, nous l’avons fait aussi à Pointe-Noire, pour célébrer cette fois-ci, la disparition de Mfumu Matsoua. En juin 2022, on aura la déportation des matsouanistes, en juillet, la fête de Kimpa Mvita, en octobre, la fête de Mbuta Kimbangu. On a un calendrier bien chargé.

Pour terminer, un message à l’humanité, puisque vous prêchez l’éthique et la morale, les valeurs actuelles ?

Vous savez que, Mfumu Matsoua est venu sur cette terre et il nous a apporté un message. Le message qu’il nous a amené, c’est le bien-être de l’humanité. Et il s’appuie sur trois(3) piliers, les trois piliers comme on dit couramment chez nous que, la marmite se pose sur trois piliers : le 1er pilier, c’est la liberté. Nous devons être des hommes libres. Libres, ce n’est pas parce qu’il y a des indépendances. Mais libres, par rapport à nous même, qu’on puisse se débarrasser de tout ce qui est nuisible, de tout ce qui peut faire obstruction à la lumière. Donc, Matsoua nous demande qu’on puisse se débarrasser de tout ce qui peut nuire, de tout ce qui est imperfection. Le 2e pilier, il nous demande d’apprendre et d’enseigner aussi. L’enseignement ou la connaissance, ou la science, c’est quelque chose de très capital. Parce qu’il nous dit que : tu peux monter sur n’importe quel arbre, mais seul le ‘’Malafoutier’’ grimpe sur le palmier, lui, a de l’expertise. Donc, l’amateurisme n’est pas bien. Nous devons apprendre. Une fois libérés, on a appris, on peut maintenant prier. C’est pour ça qu’on a l’impression que, Matsoua, on le classe surtout du côté des politiques, parce que, il parle de la liberté et de l’étude, l’enseignement, avant d’arriver à la prière. Ce n’est qu’un chemin, un processus et ce n’est pas lui qui a créé ce plan, le plan en lui-même est universel.

Dans la vie, il y a le plan politique, la gestion de la cité, y a le plan scientifique, l’étude des sciences puis, le plan spirituel, pour nous, c’est la prière. En termes simples, nos grands-parents prennent des équivalences. La liberté est assimilée au courage. Faut avoir le courage pour se débarrasser de tout ce qui est nuisible. En plus, y a la force, la force, c’est l’éducation, l’enseignement. Cette force, ce n’est pas pour se battre, la force, ce n’est pas pour faire du mal à qui que ce soit. Mais la force, c’est aussi pour échanger, c’est aussi négocier. C’est cette force de la force qu’on retrouve chez Matsoua, parce que pour lui, je me bats avec quelqu’un, pas pour qu’il y ait des morts de mon côté, et qu’il n’y ait pas de morts de l’autre côté. Donc, nous devrons nous battre sans morts, sans sang. Ça c’est la force de Matsoua : ‘’la force de la force’’. Enfin, le 3e pilier, les ancêtres nous ont dit que c’est le travail. Le travail est assimilé à la prière, nous devons travailler. Pour nous, le travail n’est pas une punition. Que l’homme ou la femme doit travailler. Si c’était une punition qu’on a donné aux hommes, la femme n’allait pas travailler, mais comme je vois les femmes travailler, ça suppose que le travail n’est pas en réalité une punition. Nous devons manger à la sueur de notre front.

Matsoua nous dit aussi que nous devons nous aimer. Aussi, donner la priorité à notre environnement. A cet effet, il nous pose la question, s’il y avait un choix à faire entre la mère et la patrie devant l’incendie, il faut d’abord sauver la patrie. Si la mère arrivait à mourir, il faut la terre pour l’inhumer. Mais si la mère arrivait à survivre, il faut la terre pour cultiver. Donc, nous devons aimer la patrie, nous devons aimer la terre, nous devons aimer l’humanité.

Mfumu Matsoua, qu’on a constaté sa disparition le 13 janvier 1942, pour nous le plus important, ce n’est pas qu’il soit enterré là ou de l’autre côté, parce que, le vrai tombeau de Matsoua, est dans nos cœurs pas dans la terre.

Propos recueillis par Valda Saint-Val le Frangin / Les Echos du Congo-Brazzaville