Congo – Médias : Arsène Séverin quitte VOX TV, mais pourquoi?

Dans un message posté sur sa page Facebook mercredi 28 décembre, Arsène Séverin, qui était à la tête de l'équipe de VOX TV, a annoncé qu'il quittait la chaîne. Aurait-il démissionné ou a-t-il été poussé à démission, la question reste posée. Un départ qui à s’y méprendre, ressemble bien à celui d’un autre journaliste en son temps, Rocil Otouna.

C’est par un message tout aussi laconique que bref, comme s’il se retenait d’en dire davantage, ou d’exprimer le réel contenu de son émotion, que ce brillant confrère de coutume plein d’allant, a annoncé son départ de Vox TV. En somme, l’abandon d’une fonction qu’il assumait avec maestria, dans les prescrits même de l’exigence et des règles du métier.

« En ce jour plein d'émotion, j'ai fait mes adieux à mes collaborateurs et mes collègues de Vox Tv.

Nombreux travaillent avec moi sur ce concept depuis plus de sept ans.

C'était une merveilleuse aventure, et j'en garde de très bons souvenirs. Nous avons fait du Journalisme.

À compter donc de ce jour, je ne réponds plus de cette entreprise, je n'engage plus Vox TV.

Veuillez vous adresser désormais à l'équipe dirigeante sur place. Merci beaucoup.

Arsène SÉVERIN, Journaliste »

Cette démission fait suite à la suspension à titre conservatoire infligée à Vox TV il y a quelques jours par le Conseil supérieur de la liberté de communication (CSLC); suspension levée mardi mais avec un "blâme" infligé à la chaîne.

Le CSLC a attiré l'attention de Vox TV sur la nécessité de veiller à l'équilibre de l'information pour ne pas tomber dans le piège de la manipulation politique de l'opinion publique.

Arsène Séverin appliquait la politique éditoriale de la chaîne aurait-il donc été pris en faute et aurait tiré les conséquences de sa prétendue méprise en rendant le tablier, ou qu’il a été poussé à la démission par le fondateur de la chaîne, Vérone Mankou, qui aurait plaidé auprès du CSLC pour la clémence et le pardon, afin de sauver les 40 employés que compte VOX TV.

Quoiqu'il en soit, Arsène Séverin apparaît pour beaucoup comme une victime collatérale de cette suspension, au regard du motif pour lequel la chaîne aurait initialement été suspendue. « Le manque d’équilibre dans le traitement de l’information ». Une disposition bien souvent dénoncée par les partis politiques de l’opposition lors des campagnes électorales, notamment dans l’accès équitable aux médias. Mais, là n’est pas la question.

Dans le milieu des journalistes on fait sans corporatisme, un parallèle avec la situation d’un autre brillant journaliste rigoureux dans sa tâche, Rocil Otouna, depuis jeté aux oubliettes, qui en son temps, fut suspendu puis retiré du circuit, pour un motif que jamais personne ne put définir réellement.

Quel que fut le motif de la suspension de Vox TV, et partant de la démission d’Arsène Séverin, il va s’en dire, qu’à l’heure des réseaux sociaux, il est plus judicieux pour les médias responsables de couvrir certains sujets qui prêtent à équivoque, en y donnant un contenu professionnel, en en expurgeant toute la fange, que de les éluder par une espèce d'autocensure, ou de s'en passer.

Doit-on rappeler qu’à l’heure des réseaux sociaux, le « non dire » est en soi une faute éditoriale, d'autant qu’il suscite des interprétations diverses, laissant lecteurs, auditeurs et téléspectateurs sur leur faim, car déconnectés des attentes réelles des millions de personnes qui attendent le rendu d’un évènement dont ils connaissent déjà la teneur qui a circulé à travers leur téléphone.

Ce n’est ni une faute déontologique, ni faire l’apologie des fake news, encore moins, d’appeler à certains troubles. C’est bien au contraire une façon pour le journaliste, de soulager sa conscience, face à ceux dont il est la bouche et la voix.

C’est du manque d’information, du manque de communication sur les questions que se pose le plus grand nombre, que naissent les fake news, quand les non professionnels juxtaposent des bribes d’incertitudes nées du flou communicationnel que s’entourent parfois les institutions et organismes habilités à le faire.

Nous ne le dirons jamais assez. « L’information n’a pas de dimensions morales. Elle est comme un couteau. Armez-en un chirurgien et un assassin, chacun s’en servira différemment. »

Si les professionnels de l’information et de la communication ne traitent pas de certains sujets, les non professionnels véreux et mal intentionnés s’en accapareront par défi et y donneront, pas un contenu, mais une interprétation à leur guise, sans se soucier des dégâts que cela créerait. C’est l’une des raisons pour lesquelles tous les grands médias diffusent également sur les réseaux sociaux, pour ne pas laisser ce large espace d’information et de communication aux non initiés qui autrement, y créeraient de la zizanie. Déjà que sur le peu d’espace qu’ils utilisent, les dégâts sont parfois incommensurables.

Il est des sujets informationnels qui peuvent « faire mal ». C’est comme, quand un médecin vous donne l’impression de vous faire mal en vous amputant d’un membre gangrené. Il préserve plutôt le reste de votre corps, pour vous maintenir en vie. C’est un mal nécessaire. Ne rien faire, c’est laisser la gangrène envahir tout le corps. Alors, les dégâts sont irréversibles, car s'en suit la mort.

En journalisme, il n’y a pas de mauvais sujets. Il n’y a que des mauvais traitements. Et pour certains sujets sensibles dont le rendu oscille entre information et communication, il est plus opportun pour un journaliste usant de pédagogie, de les traiter, afin de contrecarrer toute manipulation communicationnelle. Surtout qu’après, un démenti ne suffit pas à effacer tout le tort que peut causer une nouvelle erronée.

C'est là, tout le sens de la liberté que s'entoure le journaliste pour répondre à la première question, celle du choix des sujets. Cette question que l'on se pose en toute conscience. Est-ce que ce sujet vaut-il un papier? Combien de papier vaut-il. Cette libreté ne peut être ni conditionnelle, ni surveillée. À chacun son métier.

À Arsène Séverin qui a pratiqué du Journalisme en tout professionnalisme et dont nous comprenons la noblesse du geste, par delà la frustration, nous souhaitons bon vent pour la suite de sa carrière!

Parfois, il faut s’élever à hauteur des génies, pour les comprendre. Les étudier en commentaire composé ne suffit pas.

Courage Arsène, Courage cher confrère! 

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville