Elles sont mineures et d’autres à peine majeures, qu’elles sont déjà portées par l’appât du gain facile, dont le seul moyen d’acquisition reste leur corps. Ces filles de la génération dite « 2.0 » ont au moins un téléphone androïde. Cet objet leur permet d’être présentes sur les réseaux sociaux, notamment Facebook dont elles connaissent les multiples facettes, pour déposer des annonces. Pour les rendez-vous, le réseau de prédilection est WhatsApp, dont les communications sont cryptées. Ainsi, cette porte sur le monde franchie, elles proposent leurs « services » aux hommes en quête d’aventures sexuelles.
Elles sont à peine vêtues d’un semblant de linge qui dessine autant les contours des « formes », qu’il dévoile l’essentiel de leur nudité. Ces filles présentent leurs parties intimes comme un argument de vente telle une marchandise exposée et mise à disposition des éventuels acheteurs sur les réseaux sociaux. Des sites de rencontre déguisés sans aucune règle ni norme.
Les photos dévoilant des positions sensuelles, sont accompagnées de textes dont la rédaction bien maladroite laisse deviner le niveau d’étude de la plupart d’entre-elles.
L’essentiel du message tout aussi direct que grossier, réside dans la convoitise qu’il suggère et surtout dans le désir qu’il crée auprès des éventuels clients, pour ce racolage virtuel. Les filles y disent leur disponibilité, tout comme elles exhibent leurs prouesses dans la manière de « faire ça », le prix de cette relation tarifée, ainsi que le contact.
Ce qui étonne, c’est que ces jeunes filles qui affichent leurs contacts whatsApp, se « vendent » à visage découvert, comme si elles s’adonnaient à une activité des plus naturelles.
C’est à se demander, si elles sont en rupture de relation familiale ou qu’elles vivent encore chez leurs parents.
Il est vrai que la probabilité pour leurs parents, de tomber sur ces publications est mince, ceux-ci ne disposant pas très souvent de téléphone à même de leur faire croiser le chemin de leurs enfants.
Face à cette dérive des mœurs qui, outre qu’elle désacralise la nudité de la femme, acte une quasi déchéance de sa dignité de femme dont elle réduit le corps à un vulgaire objet de consommation, doit-on y assister résigné ?
« Le monde s’effondre » aurait dit Chinua Achebe. Oui, sans vouloir jouer les mollahs de la « police des mœurs », il y a lieu de reconnaître que s’y l’on n’y prend garde et si rien n’est fait pour réprimer ces pratiques, la société congolaise toute entière se contentera du fait accompli, face auquel plus personne ne pourra rien, le vice étant devenu un fait de société à considérer comme tel.
Les adeptes des théories de la « liberté » justifieront le « droit » pour la femme de « disposer de son corps » selon ses principes, comme elle le fait désormais pour l’avortement, même sans raisons médicales, l’acte étant à l’évidence décriminalisé.
Et si le ministère de la Promotion féminine se saisissait de la question et en faisait une cause nationale, à travers une réelle campagne de « conscientisation » (même si ce mot dérange certains), à l’endroit des jeunes filles, dans les collèges, les lycées et même à l’université, sur ce que la liberté de la Femme ne saurait se réduire à l’usage qu’elle décide de ses charmes et de son corps.
La police a aussi un rôle de répression, si possible, en infiltrant les réseaux qui de plus en plus, sont aussi tenus par des proxénètes qui se chargent de trouver les clients, et font « travailler » les jeunes filles selon un pourcentage préalablement établi. Dire qu’ils exploitent la misère des plus faibles qui sont bien obligées d’accepter même les viles conditions, pourvu qu’elles en tirent des subsides à même de leur garantir le virtuel standing dans lequel elles se complaisent.
Je n’ose pas parler de la religion qui devrait également s’approprier le sujet sur ce Corps qui a toujours été évoqué comme « le Temple de Dieu ». Oui, le Temple se meurt, le Temple s’effondre, il s’écroule.
Quant à la morale, socle de l’élévation sociale, il y a bien longtemps qu’elle est sortie du processus de la formation et de l’édification de l’Homme, dès son jeune âge. L’école ne s’y attelle plus. Les parents dépassés par leur quotidien à gérer, remettent à plus tard cet enseignement qui s’acquérait naguère au Foyer, jusqu’à ce qu’ils se rendent compte que des antivaleurs ont pris la place des valeurs qu’ils auraient dû inculquer à leurs enfants.
« On ne redresse jamais l’ombre d’un bâton tordu », dit le proverbe chinois. Le temps d’ouvrir les yeux, le mal est fait. Pour les jeunes garçons, c’est « bébés noirs ». Pour les jeunes filles, c’est prostitution via les réseaux sociaux. Des délinquances qui dit-on, épousent l’ère du temps. Celle d’une société en mutation. Mutation de la fin des valeurs qui naguère fondaient la respectabilité. Mutation pour la déchéance morale et le laisser-aller, sans que cela n’émeuve outre-mesure. Sans que cela n’interpelle même les esprits policés et les autorités qui osent à peine hausser les épaules, comme résignés.
Dire que toutes ces pratiques gravitent autour de l’argent facile qui est devenu la norme existentielle pour tous les âges. Le désir de paraître, dans une société où très peu assument encore leur condition, quelle qu’elle soit, avec dignité.
La jeune fille à peine sortie de la puberté, devient la « xième » maîtresse d’un quelconque responsable qui s’en complait et exhibe sa trouvaille, au grand dam des parents soudoyés par des enveloppes cossues qui les placent face au fait accompli. Surtout que leur fille jouit désormais d’un « statut » dont elle affiche l’exubérance, en « roulant Rav-4 » et en affichant une luxueuse villa, sans compter l’argent qui coule à flot.
Tout cela suscite la convoitise de celles de son âge qui parfois, se sentent plus belles qu'elle et donc peuvent aussi prétendre à mieux. À défaut d’être « maîtresse de », elles passent par le raccourcis de leur corps pour se mettre à niveau. Autrement, elles se considèrent comme en posture de défaite. Et whatsApp fait l'affaire, pour véhiculer les annonces et trouver les clients. Livraison à domicile ou à l'hôtel, le tout à la charge du client, sans même se soucier qu'en certains pseudo clients, peuvent se cacher de dangereux prédateurs.
La situation est presque similaire pour les jeunes garçons qui eux aussi, tentent de se mettre au niveau des « fils de… », qui brassent « la tune ». Ils proposent des pratiques sexuelles à même de leur rapporter gros. À défaut de les supporter, les plus téméraires s’en vont chercher l’argent par tous les moyens, notamment par une délinquance plus ouverte, affichée et violente.
Dans un pays où la pauvreté épouse désormais un visage féminin, les jeunes filles acteraient-elles l’assertion d’Honoré de Balzac, que « toute femme a sa fortune entre ses deux jambes » ?
Hélas, une « fortune dévoyée », qui plutôt que de l’enrichir, s’en va appauvrir le socle même de la société toute entière, si rien n’est fait pour refréner ces ardeurs libertines de plus en plus portées par une jeunesse qui est pourtant vue comme l’avenir de la Nation.
(Toutes les images d'illustration sont tirées des annonces postées sur Facebook par des jeunes filles de Brazzaville et Pointe-Noire, pour des relations tarifées.)
Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville