Congo – Anniversaire : Ndala Graille a soufflé ses 86 bougies

 

À l’état-civil, il est Claude Ernest Ndala. Pourtant, c’est à travers son pseudonyme ‘’graille’’ que l’homme est le plus connu. En ce 25 mai 2023, il a soufflé ses 86 bougies. Pour l’homme trois fois condamné à mort mais jamais exécuté, chaque anniversaire a assurément, le goût de la résurrection. N’eut-il été un marxiste convaincu et qui « les a bien suspendues » selon ses dires, il en serait à louer Dieu pour sa grâce chaque jour renouvelée.

86 ans, ça se fête ! Surtout pour une personne dont l’existence a plutôt flirté avec la mort qu’avec la vie.

En ce jour mémorable qui a marqué ses 86 ans de vie, Claude Ernest Ndala a passé de bons moments au milieu de ses parents et de ses amis qui ont honoré l’instant en sa compagnie dans un restaurant de Sartrouville dans les Yvelines, sur cette terre de France où l’homme qui a pourtant le Congo chevillé au corps, a choisi de vivre depuis quelques années déjà.

En son honneur, doublé de ce sublime hommage, ses parents et ses  amis ont poussé la chansonnette sur ce mythique air du « joyeux anniversaire ».

Claude Ernest Ndala est une notabilité politique congolaise au grand vécu historique. L’homme est un des acteurs de premier plan de la vie politique congolaise, depuis au moins 1964.

En cet anniversaire, nous avons voulu revisiter ce qu’est l’homme, à travers les écrits qui dressent sa carte de visite.

« Ndalla Graille est un puits du savoir ; une source de force et d’idées. Une puissance inouïe de l’analyse et du commentaire politiques. Aussi est-il en même temps un homme politique doublé d’un politologue, un historien doublé d’un philosophe. Une bibliothèque et un musée.Un égrégore en somme.

Tous ceux qui ressortent de chez Ndalla Graille ont « la certitude d’avoir été aimé un jour, une fois » ; « de l’envol définitif du cœur dans la lumière ». Oui, quand on discute avec lui, on est certain d’être en face d’un vrai pourfendeur des obscurantismes de tous bords, de la contrefaçon des sentiments…

Plus sublimes encore, sa modestie intellectuelle, son goût de l’argumentation.

Très tôt – il devait avoir 10 ans –, il a renoncé à toute attaque ad hominem. Même quand ses camarades du parti l’envoyaient en prison sous des prétextes fallacieux, Ndalla Graille ne ruminait aucune invective à leur encontre. Sa définition de « Culture » le lui interdit.

C’est à Brazzaville donc que Ndalla Graille voit le jour, le 25 mai 1937. Treize ans plus tard, il s’envole pour la France.

En 1958, après le Bac, il s’inscrit à l’Université de Toulouse, tout en intégrant l’Ecole des Impôts. La même année, il adhère au Parti panafricain de l’Indépendance, dirigé par le Sénégalais Majhemout Diop.

Après sa Licence en Mathématiques, il quitte la France pour Moscou où il séjourne de fin décembre 1960 à juillet 1963.

Deux semaines après la chute du président Fulbert Youlou, il rentre au Congo, le 29 août 1963. Sans hésiter, il participe au Mouvement de la jeunesse et au congrès de la Jeunesse du MNR (Mouvement National de la Révolution) du 4 au 6 août 1964. Il est élu Secrétaire chargé de la presse, l’éducation, l’idéologie, le sport et la culture. Une lourde responsabilité qui l’assaille agréablement.

En 1965, il est nommé Secrétaire d’Etat chargé de la Jeunesse et du Sport. Quatre ans plus tard, il devient Ambassadeur plénipotentiaire du Congo en Chine, en République démocratique de Corée et en République démocratique du Vietnam.

De retour au pays, il est élu 1er Secrétaire du Comité Central du PCT (Parti congolais du Travail), fonction qu’il occupe jusqu’à décembre 1971. Puis, la prison devient sa maison, ses camarades l’accusant de participer aux différents Coups d’Etat qui émaillent l’histoire du Congo. D’abord, il y séjourne de février 1972 à août 1976 ; ensuite, de mars 1977 à août 1979 et, enfin, de 1983 à 1990. Des condamnations souvent assorties d’une peine de mort.

Durant ces treize ans sans liberté, il ne s’avoue pas vaincu. Et pour cause : il a fait sienne cette phrase d’Ernest Hemingway : « Un homme, ça peut être détruit, mais pas vaincu. » Chaque jour qui passe est une occasion d’agrandir l’âme. Il avale des tonnes de livres. Et écrit. « Il ne se reposait jamais, il lisait et écrivait », rapporte Jean Mas, l’un de ses codétenus. 

En évoquant son nom, beaucoup se souviennent encore de l'anecdote de l'homme attaqué par un bandit de grand chemin qui lui demandait sa bourse, pour justifier des aveux sous l'effet de la torture. C'est comme à un bandit de grand chemin qui vous demande votre bourse, sous la menace de son arme. Donnez-la-lui. Car si vous la lui défendez, il vous prendra la bourse et la vie, dit-il au juge qui visiblement fut à court d’arguments pour continuer l’interrogatoire.

Le retour au sommet a lieu en octobre 1997. En effet, il entre au gouvernement comme Ministre de Sports. Mais il n’y reste pas longtemps, préférant céder la place aux plus jeunes.

Les uns lui reprochent de n’avoir pas bâti d’œuvres durables durant son passage aux affaires ; les autres son obsession de la gastronomie et l’ordre sécuritaire. Banal procès ! De Ndalla Graille, « il ne reste plus que le jugement moral porté » sur ses obsessions. Or, de par sa dimension, il ne peut être jugé par le moyen de la « psychologie », car « la psychologie est le meilleur moyen de ne rien comprendre à l’histoire » (Hegel). Ndalla Graille est autre ; il a toujours « pressenti la direction des événements ».

Pour être l’ennemi de la violence, quelle qu’elle soit, Ndalla Graille n’a peut-être pas réussi dans la vie. Mais il ne fait aucun doute qu’il a réussi sa vie. En harmonie avec lui-même.

À lui tout seul, Ndalla Graille est un Temple d’amour et de sagesse qu’on pénètre avec plaisir. Il dégage une telle force de cohésion autour de lui qu’il est grandiose.

Joyeux anniversaire tribun !

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville