Congo – Dossier Parfait Kolelas : Maitre William Bourdon jetterait-il le trouble ?

Comme sur un air d’anniversaire, c’est un mois pile après le décès de Guy Brice Parfait Kolelas, le 22 avril 2021, que maître William Bourdon qui dit défendre les intérêts des « membres de la famille », a publié un communiqué relatif au dossier dont il est désormais saisi. En divers points, ce communiqué qui réoriente les causes du décès, laisse interrogateur sur les réelles motivations de l’avocat dont les positions vis-à-vis du Congo et de ses dirigeants sont connues.

Au lendemain du décès de Guy-Brice Parfait Kolelas, le tribunal de Bobigny a sur auto-saisine, décidé de l’ouverture d'une enquête, confiée à la section criminelle, sur la recherche des causes de la mort de l'opposant. De fait, le corps du défunt fut autopsié le mardi 23 mars, à l’Institut médico-légal de Paris.

Selon les résultats de l’autopsie, Guy-Brice Parfait Kolelas serait décédé d’« Une insuffisance cardio-respiratoire due à une pneumopathie diffuse sévère bilatérale compatible avec la constatation médicale congolaise de Covid 19, la contamination au virus SARS-CoV-2 étant confirmée par la virologie moléculaire. »

Les examens toxicologiques n’ont pas mis en évidence une substance nocive quelconque, ayant pu entraîner la mort.

Il est à noter que Guy Brice Parfait Kolelas qui souffrait du diabète, présentait des comorbidités qui le rendaient vulnérable face au covid-19.

Il est de bonne guerre que des opposants ou pseudo opposants à défaut certains « récupérateurs » de la situation, penchant pour un empoisonnement du disparu, dont ils rendaient responsable les autorités congolaises, avaient-ils saluée l’initiative du parquet de Bobigny. Ils étaient convaincus que l’institut médico-légal de Paris dont on connaît les performances qui en font l’un des meilleurs au monde allait mettre en évidence cet empoisonnement tant soupçonné. Ce qui ne fut pourtant pas le cas.

Faute de n’être confortée par les médecins légistes dans sa conviction sur la thèse de l’empoisonnement, l’épouse Kolelas a décidé de s’adjoindre les services d’un avocat, afin de contribuer à faire la lumière, sur les causes du décès de son époux. La loi, lui en donnant naturellement le droit.

En choisissant maître William Bourdon comme avocat, la veuve Kolelas misait sans doute sur ce que cet homme de droit qui, dans sa quête des biens mal acquis, entretient du reste une relation conflictuelle avec le Congo et surtout ses dirigeants serait l’homme idéal pour dénicher la vérité, où qu’elle se cache. Voici ce qu’il écrit en substance, dans son communiqué :

« D’autres questions se posent, qui devront trouver réponse auprès du nouveau collège d’experts notamment s’agissant de l’heure de décès et des liens éventuels entre le décès et les pathologies dont était affecté Monsieur KOLELAS.

En outre, l’avocat soussigné rappelle qu’il est incontestable que les choix faits à Brazzaville s’agissant de la mise en œuvre l’évacuation sanitaire de Monsieur Guy Brice Parfait KOLELAS vers la FRANCE ont été absolument désastreux.

En effet, l’avion choisi et son équipement médical étaient d’évidence totalement inadaptés à l’état de santé extrêmement dégradé de Monsieur Guy Brice Parfait KOLELAS.

Il est par ailleurs acquis que les pilotes de l’avion, arrivés de FRANCE, ont demandé à attendre 5 à 6 heures sur place avant de repartir, cela constituant une perte de temps injustifiable eu égard à l’urgence vitale dans laquelle se trouvait Monsieur Guy Brice Parfait KOLELAS.

Enfin, dès lors que l’avion a été obligé de se ravitailler deux fois pendant le vol, cette circonstance n’a pu que compromettre encore plus la possibilité de sauver Monsieur Guy Brice Parfait KOLELAS. »

À la lecture du communiqué de maître William Bourdon dont l’expérience et le professionnalisme ne poussent à aucun doute, on sent que l’homme de droit semble redéfinir le fait de la cause, convaincu d’expérience que la contre-autopsie demandée – qui est à la limite une injure faite à cette institution respectable qu'est le centre médico-légal de Paris, reconnue pour « faire parler les corps », - ne donnera pas de résultats contraires à ceux déjà notifiés. Il sait que cette structure travaille en toute indépendance et professionnalisme, et donc la thèse de l’empoisonnement sera écartée. Maitre Bourdon s’est arrangées d’autres portes de sortie, comme dans une requalification de charges, mais qu'il fait peser sur qui?

D’abord, à propos de « l’heure du décès et des liens éventuels entre le décès et les pathologies dont était affecté monsieur Kolelas ». Maitre Bourdon peut-il de toute évidence produire une littérature médicale qui prédéfini une heure de décès selon les pathologies ? 

Certains avanceraient l'idée que Parfait Kolelas serait décédé avant même son évacuation. Là encore, c'est sa propre femme qui contredit ces propos, assurant qu'en sortant de l'avion, son époux était encore en vie. 

Dans son raisonnement, maitre Bourdon semble ne pas avoir consulté le dossier médical du défunt qui présentait des comorbidités. Étant diabétique, toute pathologie opportuniste grave pouvait bien lui être fatale.

Plusieurs fois, au cours de l’année, Parfait Kolelas a, pour des raisons d’agenda politique renvoyé plus tard son voyage en France, pour son check-up habituel, ce bilan de santé associant tout autant l'examen clinique que les examens complémentaires, pour cerner son état de santé ou de faire le bilan de cette pathologie pour laquelle il s’y rendait fréquemment. Même ses proches n’ont pu lui faire entendre raison, à cet effet. Il est connu de tous que de par son engagement politique, Parfait Kolelas redoutait de ne pouvoir rentrer au pays, une fois qu’il en serait sorti. Aussi disait-il : « Advienne que pourra, j’y suis, j’y reste. »

D’autre part, maitre Bourbon évoque les conditions d’évacuation, notamment l’avion qui seraient inadaptés. Là encore, maitre Bourbon semble naviguer dans le flou, à moins que sa cliente, l’épouse Kolelas ait omis de lui dire que le gouvernement congolais n’a en rien décidé de l’avion devant servir à l’évacuation de monsieur Parfait Kolelas. C’est sa sœur, madame Félicie Massamba née Kolelas résidant en France qui s’en est chargée à la demande de la famille, entendu que le même appareil avait servi quelques semaines auparavant, à l’évacuation sanitaire du ministre Henri Djombo. L’ambassade de France penchait pour une évacuation le lundi, entendu que pendant le week-end, il n’y avait pas de choix multiples d’appareils. Le médecin de l’ambassade de France dispose d’un dossier à cet effet.

À propos de l’appareil, ou qu’il en fut un autre, le gouvernement congolais avait sur instruction personnelle du président de la république, assumé simplement l’entièreté des frais.

Que dire sur le repos de 5 à 6 heures pris par les pilotes avant de remonter sur Paris.

Tout le monde sait que des pilotes ayant effectué un long trajet sont remplacés à l’arrivée, pour le vol retour. À défaut de remplacement, il leur faut un temps de repos substantiel. C’est simplement physiologique. Un crash avec des pilotes fatigués par un manque de sommeil aurait peut-être conclu à un sabotage de l’avion…

Quant aux deux escales techniques, Maitre Bourdon ignore sans doute le type d'appareil utilisé ainsi que son autonomie en carburant. À moins qu'un ravitaillement en vol fut opéré, ce qui n'est pas possible avec ce type d'aéronef.

Guy-Brice Parfait Kolelas est mort pour ses idées, car au nom de ces idées, il a sacrifié certains aspects essentiels de sa vie, notamment sa santé. Mais il y a aussi à dire que beaucoup de ses proches tant familiaux que politiques, ne l’ont pas non plus, aidé à s’en sortir, à se reposer pour se refaire, au regard de ce marathon électoral qu’il semblait ne plus supporter et qui entamait chaque jour un peu plus sa santé.

On l’avait senti fatigué à Pointe-Noire. Ce fut mis à l’actif du trajet éprouvant. On l’a vu chancelant à Owando. Personne, ni la famille, ni son équipe de campagne n’a voulu y voir un signe de gravité. Tous ont minimisé ces signes probants de la maladie qui sans doute rongeait cet homme que le courage et la témérité poussaient à tenir. Surtout que drapé dans la foi, on ose dire : « Dieu fera ».

C’est sans doute, croyant en Dieu fera que son épouse rassurait les militants lors du dernier meeting au stade Marchand, confiant que son mari souffrait d’un palu doublé d’une petite grippe.

En dépit des signes visibles de dégradation de la santé de Guy-Brice Parfait Kolelas, celui-ci n’a été interné dans un centre de soins que le vendredi 19 mars. Et s’il était déjà trop tard ?

Quoi qu’il en soit, tous ceux qui agitent l’idée d’un éventuel empoisonnement de Guy-Brice Parfait Kolelas n’ont peut-être pas tort. Nul congolais ne meurt de maladie naturelle. Les hommes politiques sont empoisonnés, de préférence par les autorités du pays. Les cadres des administrations sont sacrifiés chez les charlatans par des collègues jaloux. Les enfants sont livrés dans des Maisons magico-mystiques. Les neveux sont « mangés » par leurs oncles et la liste des causes dites « réelles » de décès, la maladie n’étant qu’une « cause apparente », sont légion. C’est un obscurantisme culturel dont il est difficile de s’affranchir.

La famille et les enfants Kolelas avaient pris l’habitude de donner aux congolais une leçon de démocratie, depuis que tous n’appartenaient plus à la même famille politique. Ils traduisaient à leur manière l’unité et la lutte des contraires. Cette famille qui par le passé, est restée soudée, en dépit des vicissitudes que la vie ne leur a pas épargnées semble se diviser aujourd’hui. Ce n’était sans doute pas le souhait de Parfait Kolelas. Lui qui tenait tant à l’unité entre frères et sœurs, par-delà les liens familiaux.

Pourvu que les avocats dont maitre Bourbon, concourent à la manifestation, non, d’une pseudo vérité, mais de la seule et simple vérité, celle qui réconciliera autant les cœurs des frères et sœurs, doublement meurtris, celle de savoir que quel que soit son statut, un homme peut mourir, sans que ne soit mis en cause qui que ce soit.

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville