Congo – Violences urbaines : Et si on ''réhabilitait'' la ''Milice populaire''?

Depuis quelques années, la violence urbaine est devenue quasi endémique, avec des délinquants de plus en plus jeunes. Si dans la recherche des solutions au problème, l’action des parents, de l’école, la police, la justice ou autres psychologues est évoquée, il va s’en dire qu’un problème de sécurité ne peut avant tout se régler qu’avec des moyens sécuritaires. Et si donc, on revisitait le passé ?

Lorsqu’en 1991, lors de la conférence nationale, les congolais affirmèrent leur volonté du renouveau démocratique, certains conférenciers crurent s’inscrire dans le véritable changement, en faisant table-rase du passé. Le changement ne fut ni plus ni moins qu’une réhabilitation des anciennes structures, à défaut d’un ''détricotage'' de toutes les structures mises en place par le système monopartiste.

Dans cette œuvre de changement, la jeunesse fut complètement dépouillée de ce qui faisait sa base idéologique et sécuritaire. Il fallait ''tuer'' l’UJSC et la Milice populaire, que l’on ''rendait responsables du délitement de la jeunesse'', aux dires de certains conférenciers. Autrement, il fallait en découdre avec Gabriel Oba Apounou et Michel Ngakala.

Dans cette volonté du changement pour laquelle plus personne n’est en droit aujourd’hui d’assumer les conséquences de certains actes, on avait nullement pensé aux solutions de rechange, afin de ne pas laisser un vide qui régénérerait tous les vices tant soi peu longtemps refrénés.

Qu’il s’agisse de la discipline à l’école ou dans la société, la disparition de l’UJSC et de la Milice populaire fit apparaitre des comportements plus libertins, dans une espèce de ''tout permis où personne n’a le droit d’interdire''.

Dans les écoles, très vite, les surveillants dépourvus des ''brigades disciplinaires'' que composaient les activistes et postulants de l’UJSC, furent submergés et confrontés à toutes les incivilités.

Dans la société, les comportements antisociaux n’en prolifèrent pas moins et en l’absence de la Force d’appui que représentait la Milice populaire, la police fut rapidement confrontée à un problème d’effectifs et surtout de déploiement sur le terrain. Être partout à la fois, là où était signalé un danger, se révélât quasiment une mission impossible. Depuis, la situation est exponentielle face aux villes de plus en plus grandes et aux effectifs de police au ratio déséquilibré, par nombre d’habitants.

C’est justement ici que les créateurs de la Milice populaire étaient peut-être visionnaires. Qu’il s’agisse des entreprises ou les arrondissements, structures dans lesquelles elle était déployée, la Milice populaire était avant tout une Force de proximité. Elle était composée d’hommes et de femmes habitant le même quartier et disposant des renseignements de première main, quant aux points chauds qui seraient des repères de bandits et autres malfrats.

D’autre part, les patrouilles exclusivement pédestres, à travers les rues, pas ou mal éclairées, avaient un caractère dissuasif, étouffant la commission même du crime ou délit, car empêchant le déploiement des malfrats. Ceux qui osaient s’entêter, étaient bien souvent pris.

Elle avait certes des défauts, cette Milice populaire. Nulle structure humaine n’est à l’abri des brebis galeuses. Cependant, son action pour la paix et la quiétude des citoyens, se ressent depuis qu’elle n’existe plus.

Sans réduire les libertés individuelles, les comportements nocturnes des citoyens étaient plus responsables et la loi Portela, jamais abrogée, interdisait de vagabondage nocturne les moins de 18 ans non accompagnés d’une personne majeure.

La commission d’un crime ou délit est toujours favorisée par un environnement jugée propice pour le malfaiteur, car aussi téméraire soit-il, il n’aimerait nullement se retrouver dans les mains de la police, partant dans celles de la justice. Aussi, si l’environnement de la commission du crime ou du délit lui est défavorable, il s’avisera, dans l’attente d’un moment propice. Et si jamais, celui-ci ne vient pas, il commencera, face à la mouise, à envisager de lui-même une reconversion, dans des activités plus licites.

À défaut de ''ressusciter'' la Milice populaire dans son ancienne formule, face aux défis sécuritaires urbains qui imposent d’attaquer le mal à la racine, une Force de type ''Milice civique'' composée de volontaires et autres militaires retraités, encadrée par l’Armée, la Police ou la Gendarmerie, astreinte aux patrouilles pédestres, maillant coins et recoins des villes et campagnes, serait bien un début de solutions à un fléau qui a vite fait de gangrener toute la société.

Un problème sécuritaire ne peut avant tout se régler qu’avec des moyens sécuritaires, disions nous d’emblée. Une fois que ceux-ci seront déployés et auront défini un cadre applicable à tous, l’action des parents, de l’école, la police, la justice ou autres psychologues sera alors un accompagnement à la pérennisation de ce cadre de vie. Ce ne sera ni une privation de liberté, ni une réduction de liberté, mais une garantie de la vie de tous.

Reste au parlement d’en définir le cadre de la loi. Au moins, la réflexion est lancée et elle peut être approfondie, sans s’interdire de quoi que ce soit.

N’ayons pas honte de reconnaître qu’il y a 28 ans, on s’était peut-être trompé. ''Quand on s’est trompé de chemin, on repart à la croisée des chemins''. Peut-être la croisée des chemins, c’est de recourir à ce qui marchait assez bien avant, et de l’adapter au temps présent, en fonction des contingences à l’évidence incontournables.

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville