Congo – Évocation : 25 mars 1977-25 mars 2017, Alphonse Massamba Debat, 40 ans déjà !

Le 25 mars 1977 au matin, dans un communiqué, les congolais apprenaient par la voix gutturale du porte-parole du Comité Militaire du Parti, l'exécution du président Alphonse Massamba Débat, « passé par les armes au petit matin » après sa condamnation expéditive par la cour martiale siégeant sur l'assassinat du président Marien Ngouabi.

Pourtant réhabilité par la conférence nationale, des trois illustres personnalités congolaises qui trouvèrent la mort en mars 1977, le président Alphonse Massamba Débat semble l'oublié de l'histoire.

Rarement une commémoration est organisée en sa mémoire, si ce n'est la débaptisation du Stade de la Révolution en Stade Alphonse Massamba Débat par le président Pascal Lissouba en 1993.

Dans ce stade où la stèle à l'entrée aurait pu être à l’effigie de celui dont il porte le nom, le président Massamba Debat lançait le 18 juillet 1965, les premiers jeux africains, haut moment de consolidation de l’unité africaine et d’affirmation des valeurs morales et sportives, dans l'enthousiasme populaire né de la jeune révolution congolaise :

« Le flambeau du sport africain ne s’éteindra pas. Bien au contraire, aujourd’hui, sa flamme est à la dimension de notre continent. C’est un grand privilège pour Brazzaville que d’avoir à le brandir à ce moment historique où l’Afrique tout entière qui à maintes occasions a renié son entité, va enfin l’affirmer, le célébrer.

Premiers Jeux africains ! Premiers Jeux d’une Afrique unie, libre, d’une Afrique qui dit-on danse. Mais la danse africaine est faite de transes, de foulées de bonds, d’acrobaties, de tout. L’Afrique dans sa vie de chaque jour ressemble à un immense champ olympique. Il lui manquait de rentrer en compétition avec elle-même pour se mesurer et se surpasser.

Oui, à Brazzaville, le fruit de cette saine compétition, de cette émulation des peuples amis et frères, forcera à coup sûr le monde entier à mettre l’Afrique sur le piédestal. Ses fils l’ont juré. Les lucioles luiront dans la nuit en guise de feux d’artifice et les tams-tams crépiteront partout pour fêter cette victoire».

Alphonse Massamba Débat est membre du PPC de Jean-Félix Tchicaya avant d'adhérer en 1956 à l'Union Démocratique de Défense des Intérêts Africains (UDDIA), le parti nouvellement créé par l'abbé Fulbert Youlou. En mai 1963, Massamba-Débat quitte le gouvernement à la suite de divergences de plus en plus prononcées avec le président Fulbert Youlou.

Le 15 août 1963, les chefs militaires Mountsaka et Mouzabakani appellent Alphonse Massamba-Débat au pouvoir. Il devient chef du gouvernement provisoire et constitue un cabinet réduit constitué de techniciens (Antoine Maboungou-Mbiba, Germain Bicoumat, Bernard Galiba, Pascal Lissouba, Paul Kaya, Charles David Ganao, Edouard Ebouka-Babakas et Jules Kounkound).

Le 19 décembre, il est candidat unique à l'élection présidentielle. Il est élu à 100 % des suffrages exprimés.

Le 24 décembre 1963, il publie son gouvernement, au sein duquel Pascal Lissouba devient Premier ministre.

En août 1964, le Mouvement National de la Révolution (MNR) est créé et institué parti unique. Massamba-Débat en est le secrétaire général et Ambroise Noumazalaye le Premier secrétaire politique.

L'idéologie du régime est de gauche et le Congo se rapproche des pays socialistes, notamment Cuba et la Chine, tout en s'éloignant des pays capitalistes. Les relations diplomatiques sont rompues avec les États-Unis. Les rapports se tendent avec le Congo démocratique voisin.

Sur le plan économique et social Massamba-Débat mène une gestion saine et rigoureuse. Sous sa présidence le Congo connaît un début d'industrialisation et le niveau de vie des Congolais s'améliore. Quelques grandes unités de productions à grande main d'œuvre sont construites : l'usine textile de Kinsoundi, les palmeraies d'Etoumbi, l'usine d'allumettes de Bétou, les chantiers de constructions navales de Yoro, etc.

Des centres de santé sont créés (deux à Brazzaville et un à Pointe-Noire) ainsi que des groupes scolaires (collèges et écoles primaires). Le taux de scolarisation du pays devient le plus élevé d'Afrique noire.

L'assise populaire de Massamba-Débat est incertaine dès le départ, car une partie des ressortissants de la région du Pool, dont sont originaires les deux premiers présidents du Congo, lui reproche d'avoir remplacé Fulbert Youlou à la tête du pays. La brutalité des milices rend le régime impopulaire. Massamba-Débat, devient de plus en plus isolé.

Les contradictions idéologiques (socialisme bantou contre socialisme scientifique) et les luttes de factions, principalement entre les pro-lissouba et les pro-noumazalaye; les tentatives de l'opposition de droite (Mouzabakani, Kolelas, Kinganga) et l'activisme des officiers progressistes, conduits par le capitaine Ngouabi, affaiblissent Massamba-Débat.

Le 26 avril 1966, il nomme un nouveau gouvernement. Ambroise Noumazalaye devient Premier ministre en remplacement de Pascal Lissouba. Une lutte sourde s'instaure entre le président et son Premier ministre sur les options idéologiques, la politique de nationalisation des entreprises et la diplomatie.

Le 12 janvier 1968, il démet Noumazalaye et décide d'assumer lui-même la fonction de Premier ministre.

En juillet 1968, devant la montée de la contestation, il fait arrêter le capitaine Ngouabi, dissout l'Assemblée nationale et le bureau politique du MNR et suspend la Constitution de 1963. Il en résulte un affrontement entre ses partisans au sein de la Défense civile et une partie de l'armée. Il est alors contraint d'amnistier tous les prisonniers politiques et composer avec ses opposants.

Massamba Debat, Marien Ngouabi et Alfred Raoul

Le 4 septembre 1968, Massamba Debat, dont les prérogatives de président de la République ont été rognées par le CNR, se résout officiellement de démissionner. La fonction de président de la République est provisoirement suspendue. Le capitaine Raoul assume l'intérim du chef de l'État.

Alphonse Massamba Debat est né à Nkolo dans le district de Boko. Il a été président de la république du Congo de 1963 à 1968.

Bertrand BOUKAKA