Réputés, certes, pour la variété des denrées alimentaires qu'on y trouve et leurs coûts abordables, ces marchés célèbres croulent sous le poids de l'insalubrité dans plusieurs quartiers de Brazzaville.
Du poisson frais et fumé, de la viande, des légumes et fruits, etc., toutes ces denrées alimentaires destinées à la vente sont étalées à même le sol dans les marchés et le long de la chaussée sans aucune mesure d’hygiène.
Un gros caniveau à ciel ouvert, transformé en dépotoir, dans lequel baignent des ordures de toutes sortes empêchant les eaux usées de se frayer un passage.
Un sol terreux détrempé par les pluies qui s’abattent régulièrement sur la ville de Brazzaville, des émanations infectes des eaux d’égouts ainsi que des déchets ménagers qui jonchent le sol.
C’est dans ce décor insalubre que les vendeuses et commerçantes exposent leurs marchandises dans plusieurs marchés de la capitale congolaise.
Le trottoir, colonisé par les commerçants, contraint les piétons à marcher sur la chaussée courant le risque de se faire renverser par des véhicules.
Pendant la saison des pluies, ces marchés prennent les allures d’une mare d’eau boueuse. Et il pose un problème sanitaire à la population, surtout aux commerçants et aux clients.
C’est en se pinçant le nez que la plupart des clients viennent y faire leurs emplettes.
Résignés, les commerçants de ces marchés des rues vendent leurs produits sans le moindre respect des conditions et normes d’hygiène dans un inquiétant ballet des essaims de mouches qui se posent sur les denrées alimentaires.
« Nous n’avons pas choisi l’insalubrité, mais nous sommes obligés de vendre dans cet environnement insalubre et plein d’immondices. Nous souffrons énormément. Mais je fais ce sacrifice afin de prendre en charge mes enfants. Nous sommes exposés à tous les dangers. Je lutte dans la saleté pour me faire une place dans la société. Pendant la saison des pluies, l’état de ce marché est encore plus grave. Vous constatez que certains parmi nous ont mis des bottes. C’est pénible. Nos étals sont dans la boue. Mais qu’est-ce qu’on peut bien faire ? Les magasins coûtent cher dans les autres communes. Et même quand le marché est bien construit, les cautions sont élevées. Il faut aussi compter les taxes municipales. Chaque soir quand je rentre à la maison, j’asperge un peu d’eau de javel dans mon eau de bain. C’est sûr qu’en le faisant, je suis à l’abri des maladies », explique dame Justine, commerçante des safous, installée au marché Mouhoumi avenue des étages depuis quelques années.
A côté d’elle, Virginie, vendeuse de poisson, commercialise sa marchandise dans une bouette. Les règles élémentaires d’hygiène sont complètement ignorées.
Ce mardi 14 janvier 2025, en notre présence, en voulant servir un client, le poisson s’échappe de l’étal par inadvertance et se retrouve dans la boue. Elle le retire et le plonge dans un seau d’eau.
Elle affirme aussi vendre dans ces conditions insalubres parce qu’elle n’a pas le choix.
«Si je ne viens pas me débrouiller ici, comment je vais m’occuper de mes enfants ? Je paie la taxe chaque fois que des agents se présentent devant mon étalage, mais aucun assainissement du lieu et ils nous laissent vendre dans la saleté sans inquiétude. Quand il pleut, c’est la catastrophe. En plus, rien ne marche. Je vends difficilement deux cartons de poissons. Est-ce qu’avec cet argent je peux m’installer dans un bon marché ? Que l’État nous vienne en aide », plaide-t-elle la gorge nouée.
Non loin d’elle, Augustin, vendeur des pains, justifie sa présence en ces lieux par le même motif. Le manque de moyens financiers, le coût des étalages excessivement élevé dans les marchés bien construits, les cautions élevées, etc.
« Nous sommes installés ici parce qu’on n’a pas les moyens pour louer des magasins appropriés. Nous nous débrouillons ici en attente d’une meilleure situation financière. Pour l’instant, on se bat dans ce marché pour trouver de quoi se nourrir. En plus de l’insalubrité, on est exposé aux accidents de la route parce que le marché occupe presque la chaussée. Mais on ne compte pas rester ici définitivement. C’est notre vie qui est en danger. Souvent, il y a des embouteillages qui occasionnent des accidents. L’espace que nous occupons n’est pas le meilleur endroit pour mener notre activité. Mais nous n’avons pas le choix », confie-t-il.
Toutefois, ces marchés attirent de nombreux brazzavillois qui viennent s’approvisionner en denrées alimentaires telles que le manioc, la banane plantain, les légumes, le poisson, etc.
Les riverains doivent cravacher dans cet enfer boueux quand il pleut. Un véritable patinage artistique qui impose que chaque riverain s’arme d’une paire de chaussures de secours.
Jean-Jacques Jarele SIKA / Les Echos du Congo-Brazzaville