Congo : Si le journalisme ne m'avait pas kidnappé, je serais devenu un artiste-musicien ou un boxeur (Michel Mboungou-Kiongo)

Si le journalisme ne m'avait pas kidnappé, je serais devenu un artiste-musicien ou un boxeur. Car ce sont deux arts majeurs qui me transportent au-delà de ma condition humaine, a écrit Michel Mboungou-Kiongo, ancien DG de Télé Congo (1994-1997), sur sa page Facebook.

«J'ai grandi dans la musique. Déjà enfant, tous mes frères et toutes mes sœurs vivaient pleinement dans la musique. Une de mes sœurs avait pour mari un chef d'orchestre : Ok Band. Tout l'orchestre et les musiciens habitaient chez nous. Notre père le leur avait permis.

Enfant, je jouais avec tous les instruments de musique. Je me suis intéressé à la flûte, puis à la guitare. Je connais la plupart des instruments de musique. J'ai été bercé par la rumba des années 1950 et 1960. Car un de mes frères aînés, Mahoungou, était parti de l'autre côté du fleuve Congo à ses 20 ans. Si bien que sa nouvelle patrie d'adoption a occasionné un effet de pays presque mythique, tout à la fois lointain et proche dans nos cœurs.

Car, en silence, mais dans un élan d'amour pour ce frère parti, et presque perdu pour la famille, chacun de nous rêvait, en secret, dans ses pensées les plus follement chahutées par cette longue absence silencieuse, qu'il reviendra un jour. Et moi, et probablement nombreux parmi, je caressais au creux de mon cœur d'enfant, qui plus est le benjamin de la fratrie, le muana nsuka, le rêve d'aller un jour visiter ce pays pour retrouver ce frère parti loin de la famille, et qui nous manquait tant.

Là-bas, il avait épousé une femme et eu deux enfants. L'aînée, était une fille à qui il donna le nom de notre mère, Bouanga. Le second, fut un garçon. Il nous avait envoyé une photo de famille sur laquelle nous pouvions le voir comment il était devenu, sa femme leur premier enfant dans ses bras. La fillette était visiblement âgée de six mois environ.

Jamais, il n'était revenu au Congo Brazzaville. Alors, le Congo Léopoldville devint une seconde patrie d'adoption pour notre famille. Toutes les sonorités du Congo Léo étaient présentes dans notre famille.

Nous écoutions la musique de là-bas, celle qui provenait de la rive gauche du majestueux fleuve Congo, charriant tous les dénominateurs communs sociologiques et culturels le long de ce grand couloir de vie, dont je souhaitais que le limon crée un pont entre ces deux capitales les plus rapprochées au monde, à peine séparées par le pool Malebo, une langue d'eau de moins de cinq kilomètres à certains endroits du deuxième fleuve le plus puissant du monde.

À l'adolescence, j'ai découvert la musique pop et le Rock'n Roll. J'écoutais les variétés françaises, mais surtout la pop, la soul et le jazz. Je connaissais tous les musiciens produits par la Motown. Puis, je suis tombé dans la salsa portoricaine et cubaine dont les grands noms avaient des sonorités exotiques comme Johnny Pacheco, Celia Cruz, Jose Chambo, etc. Il s'en est suivi l'épisode de la musique haïtienne avec le succès fracassant des groupes comme Shleu-Shleu... Ensuite, c'était la vague Reggae avec les Jimmy Cliff, Bob Marley, Peter Tosh, etc. J'ai fait l'expérience bouleversante de la musique sud-africaine. Et là, Myriam Makeba a été La révélation.

Au sortir du lycée, l'entrée dans le monde du travail et la poursuite des études universitaires, j'ai rencontré l'univers musical ouest africain. J'ai aimé la musique de Salif Keïta, les Amazones de l'armée guinéenne, Bella Belo, Youssou N'Dour, Baba Male, Francis Bebey, Manu Dibango, Eboa Lotin, Youssou Ndour, Baba Male, etc.

Pendant mon séjour en France, je me suis pris en plein visage la tsunamique de la musique antillaise avec les Kassav. C'était renversant et enivrant. Comment ne pas être heureux en baignant dans un tel torrent de sensualité ensoleillée dans un pays où le froid gelait même l'eau des canalisations ! Mais le nirvana, était l'amour. J'étais amoureux. J'étais aux anges. Même la neige congelée de l'hiver 1984, ne parvenait pas à me décourager.

C'est dans cette atmosphère froide mais aux ambiances chaudes de l'amour que j'ai rencontré la musique classique : Hendel, Beethoven, Mozart, Vivaldi, Pachelbel, et bien d'autres porteurs de symphonies exquises ont élargi mon horizon musical et ouvert mon esprit à l'universalité artistique. Je me sentais complet. Je me sentais fort comme un rock.

En fait, si le journalisme ne m'avait pas kidnappé, je serais devenu un artiste-musicien ou un boxeur. Car ce sont deux arts majeurs qui me transportent au-delà de ma condition humaine ».

Michel Mboungou-Kiongo ancien DG de Télé Congo (1994-1997)