Mort d’Edo Nganga : Il aura bien vécu, selon Ouabari Mariotti

L'auteur compositeur de la chanson magique "Aimé wa bolingo" qu'il a enregistrée avec l'Orchestre Ok Jazz, dès les premières années de son aventure musicale, le célèbre artiste musicien Nganga Edo, sociétaire des Bantou de la Capitale, s'en est allé, le dimanche 7 juin 2020, à Brazzaville.

C'est une triste nouvelle, l'univers artistique congolais se vidant de ses figures qui ont fait la gloire de la nation.

Depuis l'instant de sa disparition, sur les deux rives du fleuve Congo, et ailleurs, dans le monde, particulièrement, en Afrique, en Europe et aux Amériques, Nganga Edo est pleuré par les amateurs de la rumba.

Là-bas, à l'éternel infini, il rejoint une version reconstituée des Bantou de la Capitale où l'accueilleront Jean Serge Essou, Nino Malapet, Pamelo Munka, Saturnin Pandi, Gerry Gerard, Gilbert Abangui et autres Célestin Nkouka qui l'ont précédé.

Nganga Edo nous a quittés. Mais, à l'instar de ces légendes disparues qui ont brillé, de leur vivant, dans la musique, la culture et l'art, Nganga Edo est guetté par l'oubli. Si l'on y prend garde, il ne restera, d'eux tous, que les quelques œuvres encore disponibles et l'effort de mémoire de quelques générations.

Tant de choses nous ont passé devant les yeux que nos yeux ont vite oublié. Sans compter que rien n'est aussi facile à oublier qu'un mortel qui se sépare d'un mortel.

Que nous reste-t-il de Paul Kamba, mythique chef de l'orchestre Victoria Brazza? Aucune trace culturelle d'envergure, en dehors d'un nom de rue, à Poto Poto Brazzaville, de sa sépulture au centre-ville et probablement un buste, sur l'allée des Grands, voisine de l'immeuble du Cabinet du Premier Ministre congolais.

Je l'ai écrit, plusieurs fois. Je le réécris. Plus nos artistes nous quittent, plus devient urgent la construction d'un musée de culture et art, à deux points de vue.

Perpétuer, physiquement, la mémoire de nos artistes et en faire un lieu indispensable pour les amateurs d'art et ceux qui cherchent à s'y initier. Le musée est la mémoire aménagée de la nation, ouvert au public, au service de la société et de son développement. Un espace où sont collectés, conservés et exposés des objets de valeur, dans un souci de connaissance et de tourisme.

Que la famille de Nganga Edo trouve ici l'expression de mes condoléances les plus attristées. A l'ensemble des artistes musiciens congolais et des membres du Comité Bantou avec leur danse des "Bouchers", je dis ma solidarité. Comme, en leur temps, pour Jean Serge Essou, Nino Malapet et Antoine Moundanda, pour ne citer que ceux-là, nous attendons de l'Etat congolais la vibrante reconnaissance qu'elle doit à Nganga Edo.

De l'enceinte du Palais du Parlement, à Brazzaville, lieu de cérémonie rituelle d'hommage de la nation à ses chers disparus, que résonnent, en hommage à Nganga Edo, les rythmes chauds des Bantou de la Capitale.

Repose en paix, Edo. Tu auras bien vécu.

Fait à Paris le 8 juin 2020 Ouabari Mariotti - Membre de l'UPADS