Ganga Edo : le chanteur le plus vieux de la musique congolaise moderne est mort à l’âge de 87 ans à Brazzaville

Edouard Ganga Edo, le chanteur de la musique congolaise le plus âgé, est mort ce dimanche,  à l’âge de 87 ans, à la suite de maladie à Brazzaville, a-t-on appris auprès du célèbre chanteur congolais, Bongo Propheta.

Ganga Edo un artiste populaire connu à travers le monde et aimé de millions de fans de toutes générations, ses centaines de chansons composées, aux dizaines d’albums vendus dans le monde entier, est bien ce chanteur ténor d’une originalité exceptionnelle, qui est parvenu à créer un univers extraordinairement lyrique, où comme dans les grandes œuvres superbement structurées se sont mêlés avec beaucoup d’harmonies des arrangements constamment inspirés.

Dans sa recherche un peu folle d’une musique universelle et d’un art qui parle à tous. Edo avait intégré à son chant les musiques populaires qui lui semblaient le mieux opérer au premier degré : celles qui font danser. Ses chefs d’œuvres enregistrées aux éditions Loningisa entre 1956-1958 sont aujourd’hui des véritables classiques.

Dès sa présence dans l’OK Jazz le 27 Décembre 1956, Edo Ganga s’est attiré une réputation de chanteur de charme, par son élégante tenue sur scène et surtout par son timbre vocal, qui se révèle d’une grande ferveur pour le successeur de Philippe Lando « Rossignol » qui peu après la création de l’OK Jazz, le 6 Juin 1956 a chanté en duo avec Vicky Longomba.

Né le 27 octobre 1933 à Léopoldville (alors Congo Belge), il fait des brillantes études à la célèbre école professionnelle de Brazzaville (aujourd’hui Lycée du 1er Mai) où il en sort en 1953 avec un CAP de menuiserie industrielle.

Edo, il faut le noter côtoyait déjà à cette époque des grands musiciens kinois dont il en était fervent admirateur, notamment Joseph Kabaselle. En effet, Edo qui savait si bien jouer à la percussion, va participer comme percussionniste à l’enregistrement en 1953 au studio Opika de la célèbre chanson « Para Fifi ». Un concours de circonstance, car Antoine Kaya « De Puissant » percussionniste titulaire était absent.

En 1954, Ganga Edo rentre dans le monde du travail, comme dessinateur-traceur dans une industrie de bois au port de Mpila à Brazzaville. Parallèlement, il donne le meilleur de lui-même dans la pratique du Football au Racing Club de Brazzaville sous la licence de la FIFA.

Mais, c’est en musique qu’Edo Ganga manifeste le plus grand goût. Il s’essaie déjà à la composition et se confirme à la chanson dans laquelle on retiendra surtout le lyrisme chaleureux et plein d’élégance.

L’année 1954 est très déterminante et riche en évènements. Edo manifeste peu d’enthousiasme pour son premier emploi industriel, au point où il le quitte pour accepter un travail de bureau à la Société pétrolière SHELL de Brazzaville. C’est à ce moment qu’il rencontre les guitaristes Joseph Kaba et Nino Malapet (qui n’embauche pas encore le saxo).

Une rencontre extrêmement fructueuse, car les trois musiciens plus le chanteur Bienvenu Beniamino (journaliste) vont effectuer le déplacement aux éditions Ngoma à Léopoldville (Kinshasa) pour l’enregistrement de deux disques sous l’appellation d’Atomic Jazz, dont les chansons «Vivita» de Ganga Edo, « Wapi Gigi » et « Atomic Jazz » de Nino Malapet et « Vergina mabé » de Joseph Kaba obtiennent un succès mérité.

Cette petite formation a constitué en son temps, l’embryon de l’orchestre Negro Jazz de Brazzaville qui voit le jour dans la même année. C’est-à-dire en 1954 au dancing-bar « Chez Faignond ».

Toujours en 1954, et après avoir démissionné de la société SHELL, Edo partage désormais son activité entre Léopoldville où il a obtenu un nouvel emploi à la société Métallo, et Brazzaville où il occupe une place éminente dans l’orchestre Negro Jazz qui en Janvier 1955.

Depuis lors le Negro Jazz s’est imposé à Kinshasa où sa renommée est devenue grande et sa musique riche en intensité rythmique. Ce qui lui vaudra un contrat de production avec Samuel Ebongue, propriétaire camerounais du mythique bar-dancing kinois « Air France ».

A cette satisfaction pour Ganga Edo de voir le Negro Jazz installé à Kinshasa, s’ajoute celle d’un autre emploi obtenu à Sarma Congo Kinshasa au détriment de la Société Métallo. En fait, Ganga Edo est parvenu depuis 1953 à évoluer cumulativement dans les entreprises commerciales et dans la musique d’orchestre.

Au cours du deuxième semestre 1956, le Negro Jazz – qui a perdu Essous depuis 1955 au profit des éditions Loningisa, puis l’OK jazz – se disloque sous la direction de Guy Léon Fylla. Edo Ganga, Célestin Kouka, Nino Malapet et autres retournent à Brazzaville.

Le 27 décembre 1956, Essous, Pandi, Lando « Rossignol », claquent la porte à l’OK Jazz, pour rejoindre Henri Bowane aux éditions Esengo et former au cours de l’année 1957, l’orchestre Rock-A-Mambo.

Le vide laissé par les dissidents oblige Papadimitriou le producteur grec de l’OK Jazz aux éditions Loningisa, de faire appel à Ganga Edo, Célestin Kouka et Nino Malapet, pour renflouer la nouvelle formation de l’OK Jazz qui a fait sa sortie dans la nuit de la Saint Sylvestre (31/12/1956) et composée comme suit : Luambo Franco (guitare solo) – Antoine Armando “Brazzos” (guitare rythmique) Daniel Loubélo “De la lune” (contrebasse) – Nicolas Bosuma “Dessoin” (percussion) – Nino Malapet (saxo) – Edo Ganga, Vicky Longomba et Célestin Kouka (chant).

Dans l’OK Jazz, Edo qui a la lourde responsabilité de remplacer le grand ténor Philippe Lando « Rossignol » formera fort heureusement avec Vicky Longomba, le meilleur duo chant de l’histoire de l’OK Jazz. Edo dont le style est d’une irréprochable clarté et d’une rare élégance se démarquera dans le célèbre chef d’œuvre « Aimée wa bolingo ».

En tout cas, l’essentiel de l’art de composer et de chanter d’Edo Ganga sera très grande entre 1957 et 1959, période qui désigne des compositions construites avec des lignes mélodiques étonnantes de mobilité, comme “Zozo kobanga te”, “mabe nde kolimwa”, “A pobre de mi”, “oyo nde zoba”, etc.

Avril 1959, quatre ans après une carrière bien méritée au sein de l’OK Jazz, Edo Ganga retourne au bercail et avec lui les anciens musiciens du Rock-A-Mambo et de l’OK Jazz originaires du Congo-Brazzaville, pour former le 15 Août 1959, au bar-dancing « Chez Faignond », l’Orchestre Bantous.

Chantant en duo avec Célestin Kouka, tous les deux anciens de l’OK Jazz, Ganga Edo tient à une réelle volonté de recherche et de dépassement dans sa brillante discographie aux éditions Ndombe en 1961.

1962 – Il faut attendre le 11 Août, pour voir Ganga Edo et Daniel Loubelo « De la Lune » réintégrer l’OK Jazz. Une réintégration qui ne durera que deux ans, car en 1964, suite à l’expulsion des ressortissants du Congo Brazzaville, par Moïse Tchombe, premier ministre du Congo-Kinshasa, Edo et «De la Lune» sont de nouveau à Brazzaville.

1964 – Loubélo « De la Lune » crée l’orchestre Tembo, tandis qu’Edo rejoint Les Bantous de la capitale, où désormais il recherche dans ses œuvres des principes originaux, dont la virtuosité vocale est l’élément dominant.

Nonobstant l’instabilité manifeste, observée entre 1972 et 1999 en évoluant successivement dans les orchestres « Les Nzoys » et « Le Peuple », Edo a réintégré Les Bantous de la capitale en 2006, à la suite de la grande réconciliation obtenue par Maitre Martin Mbemba, laquelle a permis à l’orchestre de redoré son blason.

Edo Ganga est actuellement, le dernier co-fondateur brazzavillois de l’orchestre Bantous, sur le nombre de six qu’ils étaient en 1959 (Essous, Malapet, Loubélo, Pandi, Kouka et Ganga). Dicky Nicolas Baroza (79 ans) est le dernier Kinois co-fondateur encore en vie.

Le 15 août 2019, il était au boulevard Alfred Raoul à Brazzaville, pour être décoré au grade de commandeur dans l’Ordre du mérite congolais par le président de la République, Denis Sassou N’Guesso, à l’occasion de la célébration du 59ème anniversaire de l’indépendance du Congo.

Jean-Jacques Jarele SIKA / Source : Pages Afric