CFCO : une ligne «malade» qui transforme le train « Gazelle » en train « Tortue »

Au Congo-Brazzaville, on sait quand le train part, mais on ne sait jamais quand il arrive à destination. Un train « Gazelle » qui parcourt 510km en 23 heures ? C’est inadmissible à deux ans de l’émergence du pays. Deux trains par semaine en plus. Le ministre des Transports, Honoré Sayi et la direction du CFCO ont "encore beaucoup de pain sur la planche".

Ligne Pointe-Noire-Brazzaville (510km) trop ancienne, seulement rapiécée au coup par coup alors qu'elle nécessiterait d'être entièrement rénovée, rails qui cassent, les incidents sont nombreux. Cette voie est à bout de souffle. Depuis des années on fait du raccommodage.

Les cheminots qui assurent la maintenance de cette ligne ont constaté que des rails étaient tordus voire cassés et près de 80 éclisses fissurées. Une révélation qui fait froid dans le dos après le drame de Mvougouti .

Le 5 septembre 1991, à 2 heures du matin, dans la forêt du Mayombe au Congo, un train de la Compagnie minière de l’Ogoué du Gabon (Comilog), opérant au Congo était entré en collision avec une locomotive de Chemin de fer Congo-Océan (Cfco) traînant plusieurs rames pleines de voyageurs en provenance de Pointe-Noire. Le bilan a été désastreux. Des centaines de morts. Des milliers de blessés. Les parents des disparus et des morts de Mvougouti n’ont pas toujours été indemnisés.

Des victimes d’un drame imputable, non seulement, à une séries d’erreurs humaines (mauvais aiguillage) mais aussi à la vétusté des infrastructures du CFCO.

Du coup, pour assurer la sécurité des voyageurs comme celle du matériel roulant, les trains ralentissent à certains endroits quand les installations ne sont pas fiables.

C’est le cas du train « Gazelle » qui est parti de Pointe-Noire jeudi à 10 heures, sous le regard admirateur d’Honoré Sayi, pour arriver à Brazzaville à 2h du matin.

Chez les cheminots, on parle de «ralents». Depuis plusieurs années, il y a ainsi des ralents (on en dénombre aujourd'hui plus de 200 sur la ligne Pointe-Noire-Brazzaville).

Conséquence de ces ralentissements de plusieurs dizaines de kilomètres par heure : des retards répétés. Ipso facto, le train « Gazelle » se transforme en train « Tortue ».

Le problème, c'est que pour sécuriser durablement cette ligne ferroviaire, le «rafistolage», selon l'expression d'un cheminot, ne suffit plus. Il faut envisager des travaux de grande envergure qui prennent du temps et qui coûtent cher.

Il faut donc définir les mesures à prendre sur ce tronçon. Il s'agit soit d'injecter des nouvelles traverses pour maintenir le réseau, soit d'abaisser la vitesse des trains pour rouler en toute sécurité. Si elle est la moins chère, la deuxième solution aurait néanmoins des conséquences sur les grilles horaires… Et des retentissements sur les parcours des voyageurs qui empruntent le train « Gazelle ».

Plusieurs Congolais interrogés par Les Echos du Congo-Brazzaville réclament une accélération des travaux sur un réseau ferroviaire qui ne cesse de se détériorer.

Ils demandent également  à Honoré Sayi ainsi qu’à la direction du CFCO de se concerter sur ce dossier et une accentuation des efforts de financement pour la rénovation du réseau.

Selon eux, ce n’est pas la relance du train « Gazelle » par le CFCO et qui roule à 2km/H qui intéresse les Congolais, mais c’est plutôt la sécurité de ses rails.

Même si 32 ans après Mvougouti, une tragédie ferroviaire oubliée, cette catastrophe doit interpeler aujourd’hui ceux qui ont la moindre parcelle d’autorité dans la gestion du Chemin de Fer Congo-Océan (CFCO) pour que plus jamais ça et pour que demain soit meilleur qu’aujourd’hui.

Honoré Sayi est donc averti. Et un homme averti en vaut deux. Le fait d'avoir été prévenu permet d'éviter des ennuis.

Germaine MAPANGA / Les Echos du Congo-Brazzaville