Séjour d’Omar Bongo Junior dans le Haut-Ogooué : on a frisé l’incident diplomatique entre le Gabon et le Congo

« Allez dire à Fidèle Andjoua que j’entends dire toutes sortes de choses au sujet de mon petit-fils. Sur Internet ou dans d’autres médias à la solde de certaines officines, on lui prête l’intention de vouloir prendre le pouvoir au Gabon. Sachez que ma ligne rouge avec vous, c’est lui ! Si vous tentez quoi que ce soit contre lui, vous allez voir ce qui va se produire », rapporte Médiapart.

Une menace ou une promesse ? Peu importe.

Selon Médiapart, Denis Sassou Nguesso n’a, en tout cas, pas pris de gants pour envoyer un message très clair au clan Bongo Ondimba au pouvoir au Gabon. C'était, il y a un peu moins de deux mois, à Edou, son village natal. Le président congolais venait de perdre sa nièce Maguy Ambendé Nguesso, décédée le 14 janvier dernier à Paris. Pour la représenter à ces funérailles, la famille Bongo Ondimba avait dépêché une délégation conduite, non pas par son chef Fidèle Andjoua, mais par Roger Kabori. Officiellement, le patriarche avait des ennuis de santé. Mais très vite la supercherie de cette maladie « diplomatique » a transpiré, laissant apparaître une réalité plus triviale, malséante, liée à des considérations bassement matérielles. Pour rappel : depuis le mariage, en 1990, de l’ancien président gabonais Omar Bongo Ondimba avec Edith-Lucie Sassou Nguesso, les deux familles se soutiennent mutuellement, notamment sur le plan moral, matériel et financier, lors d’événements majeurs de la vie (mariages, deuils, etc.). Aussi, il était hors de question pour un notable du rang de Fidèle Andjoua d’aller chez les Sassou sans disposer de moyens financiers conséquents. Or, selon nos informations, le nouveau président gabonais de fait, un certain Noureddin Edouard Bongo Valentin a fait obstruction à une éventuelle contribution de sa famille. « Je ne m’occupe pas des histoires des Congolais, quand mon grand-père est décédé, je ne les ai pas vus ! », aurait alors déclaré le fils de Sylvia Bongo.

C’est donc dans ce climat quelque peu délétère que le petit-fils de Denis Sassou Nguesso, « la prunelle de [mes] yeux », Omar Bongo Junior a entrepris de se rendre dans le Haut-Ogooué en voiture, en partant d’Oyo qui est à environ 4 heures de route de Franceville. Cela faisait neuf mois qu’il n’avait pas revu son oncle paternel Fidèle Andjoua. De plus, il souhaitait procéder à un état des lieux des propriétés et biens immobiliers de son père laissés en déshérence dans ce qui est pourtant leur fief familial. Pour la bonne règle, il a prévenu l’entourage immédiat de son demi-frère Ali Bongo. Manifestement, mal lui en a pris, car aussitôt l’information connue, des coups de fil ont commencé à pleuvoir. Objectif : le dissuader d’effectuer le voyage. Mais, face à la détermination de Bongo Junior, certains, depuis Libreville, ont cru bon de lui suggérer d’emprunter la voie aérienne, vu que les frontières terrestres étaient fermées à cause de l’épidémie du coronavirus. Refus catégorique de l’intéressé : « Je vais voir qui prendra la responsabilité de me refouler à la frontière ».

Le 16 mars en début d’après-midi, à la tête d’un convoi d’une dizaine de véhicules de luxe, Omar Bongo Junior s’est effectivement présenté au poste-frontière de Kabala, à environ 30 kms de Lékoni. Visiblement, les gendarmes avaient pour instructions de « ne laisser passer personne ». Informé de la situation, Fidèle Andjoua s’énerve. Il tente de joindre son neveu, le généralissime Grégoire Kouna, commandant en chef de la Garde républicaine (GR). Sans succès. Ce dernier ayant choisi de se planquer courageusement derrière son téléphone. Idem pour Lambert Matha, le ministre de l’Intérieur. De guerre lasse, le patriarche envoie un message à Kouna et Matha dans lequel il menace d’aller lui-même à la frontière « chercher [son] fils ». Il n’aura finalement pas besoin de se déplacer, puisqu’entre-temps, Christian Bongo qui était du voyage avec son petit-frère est parvenu à régler le problème.

Certes, la suite de la tournée altogovéenne d’Omar Junior ne sera pas de la même eau, mais rien, pour autant, ne sera fait pour lui faciliter la vie. Au contraire ! Lorsqu’il décide, par exemple, d’aller s’incliner sur la tombe de son père, il doit quasiment sortir de ses gonds pour que le Marocain commis à la surveillance du mausolée consente à le laisser entrer. A Bongoville où il a dû constater avec dépit l’état de totale décrépitude de la résidence familiale et même de la tombe de sa sœur Amissa Bongo, laissée à l’abandon, Junior a quasiment failli se faire expulser par l’occupante des lieux, qui n’est autre que sa nièce Malika, la fille aînée d’Ali Bongo. Cette dernière, en déplacement à Libreville, aurait ordonné aux domestiques de ne pas laisser entrer « l’intrus ». Comme si quelqu’un pouvait empêcher le fils d’Omar Bongo de pénétrer dans la maison de son père. Et quelle maison ! Une bâtisse tellement délabrée que personne, en cette période de coronavirus, n’aurait véritablement envie de risquer une contamination en y entrant...

A Ngouoni, même constat de chaos et de désolation. Les domestiques chargés de l’entretien de la propriété d’Omar Bongo semblaient tout droit sortis d’un camp de concentration. « Nous ne sommes pas payés depuis plusieurs années, et nous n’avons même pas de produits et de matériel pour nettoyer et entretenir les lieux. Faites quelque chose, s’il vous plait », a supplié une gouvernante en pleurs. Est-ce pour l’empêcher de découvrir ce champ de ruines que sont devenus les biens immobiliers d’Omar Bongo que le trio Sylvia, Noureddin et Malika Bongo a tant manœuvré pour barrer la route du Haut-Ogooué à Junior Bongo ? « Ce serait leur faire trop d’honneur que de leur prêter de tels sentiments, ces gens-là n’ont pas honte, et ce spectacle de désolation ne les dérange pas. Leur vrai problème, c’est qu’ils ont peur que Junior, qui est le vrai fils d’Omar Bongo, ne soit reçu par les siens avec toute l’affection qui lui est due », nous a confié un notable de Bongoville. Avant d’ajouter, « Ali et ses enfants n’ont d’yeux que pour leurs amis étrangers. Nous, les Tékés, nous ne comptons pas pour eux. C’est pour cela que nous avons accueilli avec beaucoup d’émotion et de fierté notre fils. Nous avons retrouvé notre dignité et nous reprenons espoir... ».

Pour un peu, on croirait que les Tékés ont surtout « retrouvé Omar Bongo, l’arme du présent et du futur ». Dans tous les cas, avec ce type de déclaration, Noureddin qui se voyait déjà khalife à la place du khalife périmé Ali va prendre peur. Lui qui, avec le concours de son factotum Jessye Ekogha, inonde déjà les réseaux sociaux de Fake news sur leur épouvantail préféré Omar Bongo Junior. Les fameuses « officines » dont parle Sassou Nguesso. Et c’est certainement le même Noureddin qui a instruit le colonel Brice Oligui Nguema, directeur des services spéciaux de la GR, d’aller en mission dans le Haut-Ogooué, sur les traces de Junior, afin de mesurer l’ampleur du courant de sympathie que celui-ci a pu drainer durant son séjour. Un séjour qui s’est achevé le 19 mars, et dont l’épilogue a failli tourner à la crise diplomatique ou même à la guerre entre le Gabon et le Congo. En effet, comme à l’aller, le convoi de Bongo Junior a été bloqué à la frontière au moment de rentrer au Congo. N’eût été la ferme réaction d’un officier supérieur de l’armée gabonaise, nul ne sait ce qui aurait pu se passer, car dans la délégation congolaise il y avait, entre autres, Wamba Sassou, un des fils du président, connu pour son « efficacité » face à certaines situations compliquées.

Aux dernières nouvelles, Fidèle Andjoua aurait décidé de se rendre à Libreville pour une séance d’explication avec Sylvia et son fils. « Ils vont me dire, s’ils ne veulent plus que Junior vienne au Gabon, alors ils vont devoir aussi m’expulser du pays, toute ma famille et moi ». Parole de vieux !

Et si, à la suite de son beau-frère Assélé, Fidèle Andjoua venait confirmer à la face du monde qu’Ali Bongo est vraiment « mort »…

Source : Médiapart