Afin de permettre aux citoyens d’être acteurs de la transparence de la vie publique conformément à la volonté du législateur, le Conseil des ministres qui s’est réuni jeudi 20 septembre 2018 a présenté le projet de loi relatif à l’obligation de déclaration de patrimoine par les citoyens élus ou nommés à une haute fonction publique. Cette disposition constitutionnelle promue depuis la Conférence nationale, peine pourtant à être mise en application par les gouvernements successifs.
Pendant la Conférence nationale souveraine de 1991, sur fond de lutte contre les « biens mal acquis », il avait été inscrit dans l'acte fondamental de la transition ainsi que dans la constitution de 1992, une disposition enjoignant les personnalités nommées aux hautes fonctions de déclarer leur patrimoine.
Si cette disposition connut pour les ministres du gouvernement de transition d'André Milongo, une application de principe, la déclaration de patrimoine s'étant faite simplement sur l'honneur, comme dans un confessionnal, plus jamais, personne ne l'évoqua pour les gouvernements à venir, alors que l'inobservation de cette disposition était susceptible de bloquer toute nomination ou élection selon les termes prescrits par la constitution.
À la vérité, cette mesure, hormis le bas peuple, presque personne n'en veut. Et pour cause, elle oblige à un inventaire du patrimoine à la prise de fonction, lequel patrimoine est réévalué à la cessation de fonction.
Or l'évaluation d'un patrimoine fait toujours se dresser les oreilles et s'écarquiller les yeux des structures de l'État chargées d'en tirer les dividendes qui lui reviennent.
D'autre part, une évaluation de patrimoine révélerait pour beaucoup, une inadéquation comptable entre leurs ressources réelles et les biens dont ils disposent. Une situation fort embarrassante, sous-tendant une quelconque « cleptomanie » dans leur acquisition, et qui les disqualifierait, avant même de n'avoir été mis à l'épreuve.
La thèse est certes discutable, mais que ses contradicteurs veillent bien justifier pourquoi ces dispositions de la constitution ne sont-elles jamais appliquées de tout temps?
« Constitution du 20 janvier 2002 : Article 47: Les biens publics sont sacrés et inaliénables. Tout citoyen doit les respecter scrupuleusement et les protéger. La loi fixe les conditions d'aliénation des biens publics dans l'intérêt général. Tout acte de sabotage, de vandalisme, de corruption, d'enrichissement illicite, de concussion, de détournement ou de dilapidation des deniers publics, est réprimé dans les conditions prévues par la loi. Article 48 : Tout citoyen, élu ou nommé à une haute fonction publique, est tenu de déclarer son patrimoine lors de sa prise de fonctions et à la cessation de celles-ci, conformément à la loi. L'inobservation de cette obligation entraîne la déchéance des fonctions dans les conditions fixées par la loi. »
« Constitution du 25 octobre 2015 : Article 53. Les biens de l'État sont sacrés. Les biens du domaine public sont inaliénables, incessibles, imprescriptibles et insaisissables. Tout citoyen doit les respecter et les protéger. La loi fixe les conditions d'aliénation des biens publics, dans l'intérêt général. Article 54. Tout acte de sabotage, de vandalisme, de corruption ou de dilapidation des deniers publics est interdit et réprimé dans les conditions prévues par la loi. Article 55. Tout citoyen, élu ou nommé à une haute fonction publique, est tenu de déclarer son patrimoine lors de sa prise de fonction et à la cessation de celle-ci, conformément à la loi. La loi détermine les fonctions soumises à l'obligation ci-dessus indiquée ainsi que les modalités de déclaration du patrimoine. »
Ainsi qu'on le voit, les instruments juridiques existent depuis toujours. Le reste est question de volonté politique pour agir vraiment, car il n'est pas faux de penser que dans de nombreuses fortunes congolaises, il y a un peu de l'argent public qui y sommeille.
Cette fois ci, Denis Sassou N'Guesso qui s'est personnellement engagé à faire aboutir les choses devrait user de fermeté, car les oppositions viendront de partout.
Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville