Vivre à Brazzaville, c’est aussi partager sa maison et son jardin avec les rats et les souris !

Vivre à Brazzaville, la capitale congolaise, c’est aussi partager sa maison et son jardin avec un certain nombre d’occupants inévitables : les rats et les souris.

Avant de commencer, il serait important de faire une classification des animaux domestiques. Il y a donc d’une part, les animaux de compagnie tels que les chiens et les chats, ceux qui sont élevés pour leur chair comme les poules et les canards, et d’autre part, ceux qui horrifient et terrorisent les hommes depuis toujours ? C’est le cas des rats, des souris et des cafards. Compte tenu de leur réputation, les derniers du classement sont en perpétuelle guerre avec les humains.

Naturellement, les rats et les souris vivaient dans la nature ; puis avec la sédentarisation de l’homme, ils ont trouvé en sa demeure un bel abri contre les intempéries. Mieux, les restes des repas humain constituaient une importante source de nourriture. Mais cette cohabitation ne s’est pas faite sans causer quelques heurts.

Ces rongeurs qui construisaient des nids ou des terriers qu’ils tapissaient de feuilles ou de coton, ont commencé à découper les vêtements des hommes pour en faire des matelas. Ne voulant plus se contenter des restes des repas, ils ont décidé d’aller se servir soit dans les réserves, soit dans les marmites ou les assiettes de leurs colocataires, exacerbant ainsi, la colère de ces derniers.

Tenez, ils raffolent même du bon vin.

« Alors qu’un soir, quelques gouttes de Merlot (grand sud) étaient restées sur le set de table, quelle ne fut pas ma surprise deux heures après le repas, de voir qu’une souris qui m’avait remplacé sur les lieu, se délectait tranquillement de ces gouttes a grosses lampées », nous a confié Rémy habitant à Ouenzé dans le cinquième arrondissement de Brazzaville.

Poussant le vice plus loin, ils ont colonisé nos armoires à linge, nos housses et autres valises qui sont devenus des maternités chics. Désormais les petits naissent sur des billets de banque chapardés ça et là ou sur des tissus préalablement sélectionnés tel que la soie, le lin ou du «super cent-vingt».

Et avec le temps, certains de nos congénères à poils ont décidé de quitter les égouts et les bas quartiers pour investir les hôtels de luxes et les palais. Ce ne sont pas les gouvernantes, intendants et dames de ménages des ces lieux huppés de la capitale congolaise qui le démentiront.

Lorsqu’on parle de rats et de souris, il est important de préciser que les stars citées ci-haut sont le rat noir dont le nom scientifique est (rattus rattus) et de la petite souris brune que l’on rencontre quotidiennement sous nos meubles. Vu leurs affronts, l’indifférence avec laquelle elles traitent nos vociférations et nos menaces, comment ne pas comprendre qu’elles nous snobent au quotidien ?

Cette invasion de rongeurs à Brazzaville n’est pas le fait du hasard ou de la fatalité. Les premières causes sont l’absence d’hygiène, la persistance de dépôts d’ordures à proximité des maisons et la mauvaise qualité des matériaux de construction. Les souris en particulier cherchent les trous, les espaces, même très petits, par lesquels elles peuvent s’introduire afin de venir y chercher la nourriture.

Les manquements de la Mairie dans le ramassage des ordures ont permis aux rats de proliférer au point qu’il est maintenant impossible de s’en débarrasser. Il n’est pas rare de voir ceux-ci traverser la route, regarder passer les piétons depuis un muret ou un tas d’immondices, voire passer tranquillement à proximité d’un groupe de clients dans un restaurant de quartier.

En raison de leur métabolisme et de leur régime alimentaire très proches de ceux de l’homme, le rat peut lui transmettre des maladies. Ainsi, là où un chat sauvage aurait quinze maladies dont une pourrait être transmissible si vous êtes malchanceux, un rat sauvage n’en aura que trois, mais deux d’entre elles seront transmissibles. Le risque sanitaire posé par les rats n’est donc pas dû à une prétendue «saleté» liée à leur vie dans les déchets. Au contraire, ils sont très propres et, comme les chats, se nettoient minutieusement plusieurs heures par jour, même s’ils vivent dans les égouts et les dépôts d’ordures.

Les rats peuvent véhiculer de nombreuses maladies, la teigne, la leptospirose ou maladie de Veil, la fièvre aphteuse, la toxoplasmose qui peut être responsable de malformations fœtales si la maladie est contractée par une femme enceinte, la salmonellose dont le bacille provoque la fièvre typhoïde et des intoxications graves par contamination des aliments, le typhus murin qui se caractérise par une forte fièvre et se transmet par la puce du rat.

Les souris, elles aussi, peuvent répandre en particulier la teigne et l’encéphalite transmise par les parasites du pelage, notamment les tiques.

Hormis les maladies, les rats et souris sont aussi de grands destructeurs, rongeant cartons, papiers et gaines de câbles électriques, et c’est en général pour ces motifs là que beaucoup tentent de s’en débarrasser, sachant qu’ils pullulent à ce point dans la ville que ce ne peut être que pour un répit de quelques semaines.

Si les rats ne sont pas indestructibles, ils sont de toute évidence capables de survivre à toutes nos techniques d’extermination. Leur ruse est leur meilleure arme de survie. En cela, ils nous ressemblent beaucoup, sans doute trop, d’où la ténacité de l’homme à vouloir faire disparaître celui qui le surpasse dans tant de domaines.

Rappelons enfin qu’au Congo-Brazzaville, toutes les entreprises ont pour obligation de faire effectuer un déparasitage chaque année par une entreprise spécialisée, ce qui est sans doute la méthode la plus efficace pour éviter d’être envahi par les rats et les souris.

Jean-Jacques Jarele SIKA / Les Echos du Congo-Brazzaville