Chroniqueur de musique à la télévision nationale congolaise et animateur de l’émission ‘’Tam-tam’’, Benoît Tchichimbi a co-modéré la veillée en hommage à Fernand Mabala. Ce fin connaisseur de la musique se souvient de cet artiste qui a bercé sa jeunesse. Nous l’avons rencontré.
Les Échos du Congo-Brazzaville : Benoît, la mort de Fernand Mabala, quel sentiment cette disparition laisse t-elle pour le chroniqueur de musique que vous êtes.
Benoît Tchitchimbi : De la peine et une certaine amertume de voir qu’un artiste pétri de talent nous quitte à un âge où la maturité dans le métier nous réservait sans doute des œuvres sublimes. C’est toute ma jeunesse. Je pleure. Je pleure, mais je me console à travers son éternité, ces œuvres musicales, à travers lesquelles, Fernand ne mourra jamais. Oui je pleure, car avec Fernand Mabala, nous partagions des bons moments, que ce soit à Paris où je me rendais si souvent, où à Brazza où je le recevais dans mon émission, quand il arrivait pour faire la promotion de ses œuvres. Hélas, c’est la mort et nous la subissons comme tel…
L.E.C-B : Fernand Mabala est apparu dans la musique congolaise à une époque où la musique jeune était quelque peu au creux de la vague. Dire qu’il en a relevé le flambeau. Comment ressentez-vous cela.
B.T : C’est tout cela qui donne une dimension exceptionnelle à Fernand Mabala. Il est arrivé à un moment où dans cette saine compétition musicale entre le Congo et le Zaïre de l’époque, nous prenions quelque peu de l’eau, au niveau de la musique jeune. Mabala s’est imposé en ‘’rempart ‘’. Tant au niveau des textes que de l’orchestration, il relevé le défi avec des sonorités qui ont tout bousculé et inversé la tendance en ajoutant un plus au répondant que constituait Rapha Boundzéki ou autres ‘’chairman’’ qui tentaient de résister à la furia venue d’en face. Et puis, la touche particulière de Fernand, c’est qu’il a allié la musique à la ‘’sape’’, une autre identité congolaise, un marqueur qui a surpris des grands noms comme Papa Wemba qui ont reconnu en Fernand, ce génie qui fait sa renommée.
L.E.C-B : L’étoile Mabala s’est éteinte, pour l’éclat de son passage restera éternel à travers sa musique, quasiment invincible par le temps. Quel souvenir pour le chroniqueur de musique que vous êtes.
B.T : C’est assez difficile de dégager une chanson qui inscrira en lettre d’or l’éternité de Fernand Mabala, tant ses chansons nous transportent du beau vers le sublime. Toutes sont des chef-d’œuvres. Ses 10 albums ont tous des éléments qui les font rentrer dans l’éternité de la musique congolaise. C’est vrai ‘’Yatama’’ reste un classique, mais j’hésite à me prononcer ensuite entre ‘’petite Mbemba’’ et ‘’ainsi va la vie’’ voire ‘’Adjani Monastir’’.
L.E.C-B : Chroniqueur de musique, vous êtes souvent la voix des artistes envers le gouvernement. Êtes-vous satisfaits de l’apport du gouvernement qui disons-le, s’est rattrapé, face aux reproches qui lui étaient fait dans le passé ?
B.T : On ne peut pas se dire satisfait car l’évènement est douloureux. Il est vrai que l’art est au-delà de toutes les considérations sentimentales. Mais nous sommes dans la chanson et la danse, c’est notre univers, celui de la musique, qui veut qu’il en soit ainsi, mais, le cœur saigne. Toutefois, disons que le gouvernement a fait des efforts afin de rendre à Fernand Mabala, l’hommage et la dignité à la hauteur de ce que cet artiste a fait pour la musique de son pays, pour son pays tout court, dont il aura été un ambassadeur émérite, dans le domaine qui était le sien.
De Brazzaville : Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville