Congo – Musique : L’hommage de Ouabari Mariotti à Mpassi Mermans

Depuis l’annonce du décès de Mpassi Mermans survenu le mercredi 28 décembre à 4 heures du matin au CHU de Brazzaville, les hommages affluent de partout, pour saluer la mémoire de cet artiste musicien qui à travers sa guitare ainsi que ses compositions toutes aussi sublimes, a su contribuer à donner à la musique congolaise, ses lettres de noblesse.

Nous vous proposons l’évocation de Ouabari Mariotti, publiée dans sa rubrique « Congo Brazzaville Terre des Légendes ».

Telle une élégie, Ouabari Mariotti promène sa plume sur la vie et l’œuvre musicale de Mpassi Mermans, adossées à celle des Bantous de la Capitale.

Voici le texte intégral.

 « Deuil sur deuil, au sein des Bantou de la Capitale

Quatre décès d'artistes, la seule année 2022.

L'artiste musicien de l'Orchestre Bantou de la Capitale, Mpassi Mermans s'en est allé le 28 décembre 2022 à Brazzaville. Son décès survient après ceux de ses confrères Ricky Siméon Malonga, Henri Gilbert Adampot, et du chanteur l'Homme à la Cigare. Tous ont trouvé la mort, coup sur coup, en 2022.

Ces disparitions sont une véritable tragédie pour l'Orchestre Bantou de la Capitale qui se vide de ses légendes vivantes. Heureusement que la jeune génération d'artistes parvenue au sein de l'Orchestre porte en elle de bons signes d'espérance. Elle rêve d'égaler les Jean Serge Essous, Pamelo Munka, Nganga Edo, Célestin Nkouka, Gerry Gérard, Nino Malapet, Lambert Kabako et autres Saturnin Pandi. Parallèlement à leurs rêves, ces jeunes nous font également déjà rêver.

J’ai rencontré pour la dernière fois Mpassi Mermans, en avril 2021. La scène se passe, avec l’accord de Moutouari Kosmos, lors d’une visite que j’avais rendue aux artistes de l’orchestre Bantou de la Capitale à Brazzaville. Mpassi Mermans était en séance de répétition avec les autres musiciens au domicile privé du colonel Ongotto, à l’OCH Moungali III.

Au cours de notre échange, pendant la pause café, Mpassi Mermans m’a révélé, avec courage, qu’il était en train de basculer de l’état d’un homme en pleine forme à celui d’un malade. Il se disait inquiet. Se doutant d’être porteur d’une pathologie qui pourrait devenir lourde. Il m’a affirmé ne pas posséder les moyens de se rendre à l’étranger pour des examens médicaux et au besoin s’y faire soigner.

Au terme de l'entretien, Mpassi Mermans m’a présenté sa main gauche. Elle avait un handicap à l’un des doigts qui s’était déformé. On y percevait visiblement l’affection. J’ai trouvé Mpassy Mermans envahi par la détresse.

Guitariste, les doigts de Mpassi Mermans étaient ses outils de travail. Ne pas en avoir la maîtrise était un souci majeur pour l'artiste. La guitare est un instrument à cordes pincées. Les cordes sont disposées parallèlement à la table d’harmonie et au manche, généralement coupées de frettes, sur lesquelles on appuie les cordes, d’une main, pour produire des notes différentes. L’autre main pince les cordes, soit avec les ongles et le bout des doigts, soit avec un médiator.

Attristé par la maladie de Mpassi Mermans et les conditions de travail des Bantou de la Capitale, j’avais interpellé le Ministre congolais de la Culture par un article diffusé sur les réseaux sociaux. Par cet article, je sollicitais des pouvoirs publics congolais qu’ils récompensent les efforts et les performances des artistes musiciens de son pays. Souhaitant qu’il arrive enfin cette phase qui tarde à venir où l’Etat s’approprierait la création d’un statut social des artistes. Un statut qui viserait l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail.

Peut être même, pourrait-il être étudié l’idée de la construction, dans les grandes villes du Congo, d’espaces publics musicaux adaptés, destinés aux séances d’apprentissage et aux répétitions des orchestres. Le confinement que subissaient les Bantou de la Capitale, dans une petite concession pour ces opérations, n’était pas pour mieux libérer les énergies artistiques et faciliter l’inspiration des musiciens.

Les pères de la rumba congolaise nous quittent. Chacun, selon son étoile. Mais, il en reste encore qui survivent à peine. Michel Boyibanda est ceux là. Lui dont le jardin secret contient un répertoire de chansons non connues, qu'il ne livrera, peut être, jamais, au public, n'en ayant plus les ressources nécessaires et les aptitudes.

Au moment où vont se dérouler les obsèques de Mpassi Mermans, que sa famille et le collectif des Bantou de la Capitale trouvent ici l'expression de mes condoléances les plus attristées.

A Moutouari Kosmos, Chef des Bantou de la Capitale, je réaffirme mon amitié en ces temps d'intense douleur pour lui et ses sociétaires des Bantou. A l'ensemble des artistes musiciens des deux Congo, je dis ma solidarité agissante.

Puisse la Nation congolaise, nation indivisible, redonner, pour la mémoire de Mpassi Mermans, la preuve, comme elle l'a toujours fait, de sa marque d'attachement à la culture du pays. Rendant ainsi un hommage mérité à l'illustre disparu. Un hommage pour proclamer le respect, la gratitude et la reconnaissance de grande valeur que la Nation porte à Mpassi Mermans.

Que Mpassi Mermans repose en paix. Rejoignant là bas, à l'éternel infini, tous les artistes musiciens des deux Congo qui l'ont précédé. Il aura vécu et valablement servi son pays. Ne cesseront pas de résonner aux oreilles de ses compatriotes les Badety, Bu boté mona pélé, C'est sérieux tantine, A mon avis, Libala ékésséni, des chansons fétiches enregistrées avec les Bantou de la Capitale.

Ne s'éteindra jamais la qualité inégalée de Lemba, mélodie magique, signée en 1976, au sein de l'Orchestre National du Congo, sous la supervision de l'écrivain Antoine Létembet Ambili, à l'époque Directeur Général de la Culture.

Il demeurera, en nous, Mpassi Mermans.

Ouabari Mariotti

Paris 29 décembre 2022 »