Congo : Le département de la Sangha apprivoisé petit à petit

Pendant plusieurs décennies, on ne savait pas grand-chose du département de la Sangha (nord), si ce n’est qu’elle était en grande partie recouverte d’une dense forêt primaire, sillonnée de cours d’eau et relativement plate, à l’exception de sa partie ouest, avec le mont Nabemba (1 100 m), le plus haut du pays. À part les forestiers, le département attirait peu d’investisseurs, principalement à cause de son enclavement.

Jusqu’à récemment, il fallait près de deux jours par la route pour parcourir les quelque 800 km séparant son chef-lieu, Ouesso de Brazzaville. Traverser la Sangha d’est en ouest était aussi une autre galère… L’économie locale s’est donc tournée vers l’exploitation forestière et la transformation du bois, l’agriculture vivrière (manioc, banane plantain, maïs, arachide), faute de route, nourrissant à peine la population locale. Le département dépendait largement du Cameroun voisin, tant pour son approvisionnement en denrées, matériel et objets de toutes sortes que pour l’évacuation de ses productions.

Mais le bitumage de la route nationale 2 (RN2) du sud au nord du territoire, jusqu’à Ouesso, a changé la donne. En partant de Brazzaville le matin à 6 heures, on peut être à Ouesso à 22 heures au plus tard. Rien de tel pour dynamiser les échanges entre la Sangha et le reste du pays.

La construction de la RN14 est-ouest entre Ketta (sur la RN2), Sembé et Souanké a quant à elle donné un coup de fouet au secteur agricole. Tout le long de la chaussée, les étals de régimes de bananes plantains ont remplacé les tas de bois que l’on vendait pour faire la cuisine.

Si l’essor des infrastructures de transport a entraîné celui de l’économie départementale, d’autres facteurs y contribuent désormais.

Autrefois productions phares du département, le palmier à huile et le cacao sont relancés à grande échelle, tandis que la filière bois mise de plus en plus sur la troisième transformation.

Longtemps délaissées en dépit d’un potentiel réel, les opérations de recherche minière se multiplient. La Sangha dispose d’importants gisements de fer dans l’ouest du département. Le problème de l’évacuation des minerais et la baisse des cours mondiaux du fer ont différé le démarrage de la production sur les sites, développés pour la plupart par des Australiens. Mais d’autres miniers, principalement chinois, prospectent aujourd’hui de nouvelles filières (or, diamant, polymétaux…).

La Sangha diversifie ainsi les bases de son économie, qui s’étend aussi désormais aux transports routier et aérien (le fluvial suit plus timidement), dopés par les nouvelles activités et les chantiers d’infrastructures.

Les connexions routières avec le Cameroun et la Centrafrique, en cours, permettront à la Sangha de conforter sa vocation de carrefour et de tirer pleinement profit de sa situation géographique pour son développement et celui de l’intégration régionale.

Signes du frémissement économique, la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC-Distribution) a ouvert une nouvelle station-service à Ouesso et trois banques s’y installent (la Banque congolaise de l’habitat, Ecobank et la Banque commerciale internationale), rejoignant ainsi la Congolaise de banque, le Crédit du Congo et les Mutuelles congolaises d’épargne et de crédit (Mucodec), également implantées à Pokola et à Ngombe.

Ouesso (30 000 habitants) est toujours surnommé « la capitale du bois » mais change rapidement. La filière hôtelière s’y développe tout particulièrement, surtout pour la clientèle d’affaires. Le créneau de l’écotourisme reste limité mais pourrait décoller étant donné que la Sangha abrite trois parcs nationaux (Nouabalé-Ndoki, Odzala-Kokoua et le mont Nabemba).

La Sangha va devenir un grand pôle économique et attirer de plus en plus d’investisseurs et de travailleurs.

La Sangha n’est peuplée que de 120 000 habitants, dont plus de la moitié ont moins de 20 ans mais sont peu préparés aux nouveaux enjeux. Des efforts sont faits pour augmenter le nombre d’établissements scolaires et adapter les cursus aux besoins actuels et futurs de l’économie départementale. Mais en attendant l’émergence d’une nouvelle génération bien formée, il faudra faire appel à d’autres compétences congolaises pour compléter les savoir-faire des populations locales, composées d’ethnies très diverses : Sangha-Sangha, Bakwélé, Bonguili, Djem, Yasoua, Bakota, Porno, Gbaya et peuples autochtones pygmées du groupe Baka.

Edwige KISSINGER / Les Echos du Congo Brazzaville