Congo – Lutte contre les antivaleurs : Denis Sassou N'Guesso serait-il seul contre tous ?

En décidant de la lutte contre les antivaleurs pour assainir tous les secteurs de la gouvernance nationale, le président Denis Sassou N'Guesso était loin de s'imaginer les entraves à ce processus. En fait d'entraves, le journal « Le Troubadour » qui en a relayé les dessous au sein même du « Saint des saints », en l’occurrence le conseil de cabinet, vient d'écoper d'une sanction de la part de l'organe de régulation des médias au Congo. Un acte qui sans conteste, dessert l'action du chef de l'État. Mais pourquoi ?

Dans une dépêche aux allures de tract, car non rédigée sur papier entête et non signée de l'autorité dont elle émanait, lue au journal de 20 heures de Télé-Congo du jeudi 13 septembre, le Conseil supérieur de la liberté de communication aurait « interdit de publication à titre conservatoire, le journal « Le Troubadour » pour une durée d'un mois, aux motifs d'usage de moyens déloyaux pour obtenir des informations ou des documents pour surprendre la bonne foi de quiconque, et pour récidive dans l'inobservation des normes éthiques et déontologiques. »

Si la grossièreté des griefs a de quoi étonner tout journaliste d'investigation, au regard de la dernière publication du journal sanctionné, il va s'en dire que par cet acte, le Conseil supérieur de la liberté de communication montre bien qu'il n'a de « liberté » que l'intitulé de sa dénomination, ses actions, en tout cas pour le cas d'espèce étant sujets à caution.

À moins que le président Philippe Mvouo ne soit la controverse même, en matière du dire et du faire. Comment comprendre que lui qui demandait aux journalistes d'être les acteurs du développement en activant leurs carnets d'adresses pour obtenir les informations à mettre à la disposition du public, afin de soutenir l'action du président élu par les congolais, peut-il brandir la sanction pour peu qu'un journal a osé révéler l'évidence même de ce qui apparaît comme une conspiration ourdie dans le dos de Denis Sassou N'Guesso sur les mesures qu'il a édictées?

Que le premier ministre et les autres ministres indexés par ledit « œil du Troubadour » qui aurait assisté au conseil de cabinet eussent protesté contre les allégations du journal « Le Troubadour », il eût été de bon aloi pour Philippe Mvouo de sévir. Or, nul ministre ne conteste les faits allégués. Et pour le journaliste, tant que les faits sont certifiés exacts, qu'importe la forme de leur obtention, car il n'exerce nullement la torture ni de pression quelconque pour obtenir les informations qui certes font le buzz, mais montrent combien dans ce programme « Mains propres » lancé par Denis Sassou N'Guesso, l'opposition est à rechercher aussi au sein de ceux chargés de mettre en chantier lesdites mesures et qui ne sont sans doute pas exempts de tout soupçon.

Et puis, le journal « Le troubadour » étant un mensuel, sauf pour des éditions spéciales, le président Mvouo ne se serait-il pas rendu compte que sa sanction frise le ridicule, car le prochain numéro sera dans les kiosques à terme échu ?

Au moins cette grotesque sanction aura montré la collusion entre certains groupes de pression et le Conseil supérieur de la liberté de communication pour saper l'action de Denis Sassou N'Guesso dans la lutte contre les antivaleurs.

Les congolais peuvent au moins se satisfaire du fait que dans cette lutte contre les antivaleurs, le général Obara et la DGST ne se laissent pas démonter par une hiérarchie protocolaire quelle qu'elle soit. Le général sait qu'aux instructions de sa tutelle, il n'a qu'une réponse : « à vos ordres », pour ensuite rendre compte de la mission exécutée. L'homme qui garde toujours son petit livre rouge de préceptes du président Mao sait qu'ainsi que le disait le grand timonier, « à la violence réactionnaire il faut opposer la violence révolutionnaire.» Ministre ou pas, ceux qui tomberont sous son escarcelle devront rendre de comptes au peuple.

Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-Brazzaville