USA : Reconversion dans le travail de la terre réussie pour le congolais Albert Lombo

Albert Lombo, la cinquantaine révolue, américain, originaire du Congo-Brazzaville, est un maraîcher de bonnes herbes et de légumes anciens qui cultive ses petites merveilles à Houston au Texas (USA). Cet « Agriculteur Urbain», comme il aime se qualifier est aussi un amoureux des nouvelles saveurs puisque il cultive des variétés potagères et aromatiques tout fait originales. Aujourd’hui incontournable dans le monde de la « bonne bouffe », il est le maraîcher star des Houstoniens !

Les Echos du Congo Brazzaville (L.E.C.B) : Parlez-nous de votre parcours, vos études et vos débuts dans la production maraichère ?

Albert Lombo (A.L) : Depuis que j’ai jeté mon dévolu sur les USA en septembre 2006, je suis resté pendant longtemps opérateur dans une usine des ordinateurs (Foxconn) à Houston, une ville de l'État du Texas dans le sud des États-Unis.

Et comme j’ai un esprit d’entreprise et que je voulais aussi bien gérer mon temps et laisser mes empreintes au pays de l’oncle Sam, j’ai été formé, en 2011, en production maraichère et protection de l’environnement, compostage, vente et transformation des produits légumiers. J’ai mon certificat d’Agriculteur urbain. L’appel de la terre a été le plus fort. Ne voulant pas être enfermé dans une usine ou un laboratoire toute la journée, j’ai choisi de faire mes jardins avec le soutien et la collaboration de mon épouse qui a aussi compris que le travail de la terre est à la base de tout.

LECB : Maraîcher, agriculteur, comment vous qualifiez-vous exactement ?

AL : Depuis 2013 les Houstoniens m’avaient attribué le nom de « Maraîcher explorateur », c’est un nom que j’aime bien et que j’ai gardé.

LECB : Combien d’hectares travaillez-vous ?

AL : Je travaille sur une surface totale de un (1) hectare et ma production est de 25.000 dollars par an ce qui n’est pas toujours suffisante par rapport à nos charges vis-à-vis de l’Etat américain.

LECB : Pouvez-vous nous donner un éventail de vos différentes productions ?

AL : On peut retenir les Amarantes, les Aubergines, les Ciboulettes, les Concombre, les Courges, les Courgettes, le Gombo, les Haricots verts, les Melons jaunes, l’Oseille, les Feuilles de patates douces, les Pastèques, les Patates douces, les Piments, les Poivrons, les Roquettes, les Tomates, l’Epinard, carottes, céleris; choux, navets, oignons, …Très intéressé par les techniques bio, dont j’utilise une partie des techniques, j’applique une culture raisonnée ou j’utilise le moins de pesticides possibles.

LECB : Quelle est votre plante, légume ou variété potagère favorite ?

AL : L’oseille de Guinée car elle réduit considérablement l’obésité.

LECB : Parler nous de vos clients ?

AL : Les américains. Ils ont une culture, c’est-à-dire, ils aiment goûter tout ce qui vient d’ailleurs. Ils sont friands de l’oseille de Guinée.

LECB : Et vos compatriotes ?

AL : (Rires…) Non ! Ils sont plutôt hypocrites. Ils se moquent de nous et de ce que nous faisons pour subvenir à nos besoins vitaux. Cependant, quand ils apprennent auprès des autres commerçants américains que nous faisons un bon travail, ils changent d’avis, mais au départ, ils sont dans la critique destructive et non constructive.

LECB : Vos perspectives d’avenir ?

AL : Nous importons à hauteur de 150 milliards de FCFA par an tout ce que nous consommons au Congo. L’autosuffisance alimentaire a été un fiasco. Alors mon rêve c’est de partager mon expérience aux parents et aux paysans de mon pays d’origine, le Congo-Brazzaville. On ne peut rien faire de bon dans ce monde sans la formation. Et c’est mon souhait le plus ardent, former les congolais et enfin associer toute ma famille à cet idéal car l’homme est pauvre parce qu’il ne sait pas qu’il est riche. Et pour être riche, le retour à la terre est une très bonne option.

LECB : Quelle est la qualité de vie d'un maraîcher selon vous ?

AL : A travers mon expérience et celle de mon épouse, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup de travail d'explication à faire. Le calcul du prix de revient d'un légume dont 50 % est dû à la main d'œuvre... Ça, c'est dur à faire avaler aux consommateurs ! Faire comprendre que les tomates, c'est de juillet à novembre au moment où ils n'en veulent pas et non en mai et juin quand ils en ont envie, ils comprennent mais ils ne s'y font pas ! Le manque de terre, le manque de communication, le manque des moyens, sont aussi des gros cailloux dans nos jardins. Il faut très vite les enlever et trouver des partenaires solides qui peuvent vous accompagner dans cette belle aventure. Mon épouse vient de me souffler à l’oreille que l’espoir fait vivre. Alors nous attendons les américains pour nous aider et nous encourager davantage sur le marché.

LECB : Pas de racisme et de discrimination sur le marché ?

AL : Non pas du tout. Les américains apprécient plus le fruit de votre travail et non la couleur de votre peau. De toute manière, j’ai appris à ne plus me mettre en colère face à ça. C’est fait justement pour nous mettre en colère. Il faut justement ne pas avoir la réaction qu’ils attendent et avoir plutôt de la peine pour ceux qui sont racistes.

LECB : Enfin votre message de fin à nos lecteurs ?

AL : Grand merci aux Echos du Congo Brazzaville pour ce privilège. Merci infiniment à mon épouse et à mes enfants qui croient à ce que nous faisons au quotidien pour notre survie. Clin d’œil également à nos clients. Mon souhait est de continuer à vivre ma passion pour la terre, en la faisant partager à d'autres. Je vais enfin boucler cette interview par un adage chinois pour interpeller mes compatriotes congolais et d’emblée tous les africains : «Si tu veux être heureux une heure, bois un verre, si tu veux être heureux un jour, marie-toi, si tu veux être heureux toute ta vie, fais-toi jardinier ».

Propos recueillis par Jean-Jacques Jarele SIKA