Cherté de la vie à Brazzaville : Quand manger du poisson frais ou fumé devient un luxe

La plupart des ménages congolais avaient déjà été exclus du marché de la viande, aujourd’hui, on les prive du poisson frais ou fumé qui est le plus apprécié et dont le coût était abordable jadis. Dans certains marchés réputés moins chers comme Dragages ou Mbouemba,  au nord de Brazzaville, les ménagères tournent en rond. Difficile de se décider. Pour manger du poisson frais ou fumé, il faut débourser  10.000 FCFA pour minuscules silures appelés communément « Mabongo », 20.000 FCFA pour un tas de « Mboto », 5.000 FCFA pour trois poissons de « Makouala ». Même les prix d’un sac de foufou, du riz ou le manioc  sautillent comme des balles de tisse. Un temps abordable, le mois suivant il prend de l’aile. Le sac de foufou est passé en un mois de 35.000, 38.000 à 55.000 FCFA. Le sac de riz de 25kg est passé de 15.000 à 18.000 FCFA, un manioc coûte désormais 1.500 FCFA…

Désolation pour les petits ménages dont le poisson préféré a pris du plomb.

« A ce rythme, je vais faire la cuisine sans poisson à mes enfants, qu’est-ce qui va remplacer ce bon vieux maquereau dans mes sauces », s’exprime maussade une dame qui visiblement n’arrive plus à compter l’argent de son porte-monnaie. Elles sont bien nombreuses qui s’écrient devant une poissonnerie ou les étals face à l’enchère des denrées.

Difficile de croire en la politique de lutte contre la cherté de la vie menée par le gouvernement congolais. En effet, chaque jour qui passe est un nouveau jour de hausse sur les marchés. Une situation que les ménagères supportent de plus en plus mal.

Il est 10 à Brazzaville ce vendredi 17 février 2023, et à cette heure, tous les marchés de la capitale congolaise grouillent de monde. Nous nous faufilons parmi les commerçants et les clients pour être au parfum des dernières hausses des prix des denrées sur le marché.

Première escale, le marché Dragages. Sur son étalage,  une commerçante reconnaît que ces prix sont élevés néanmoins elle prend le soin de nous expliquer pourquoi les prix sont constamment à la hausse. « Je dois vous dire très clairement que la hausse ne dépend pas de nous. Seuls les grossistes qui viennent nous livrer en camion ont le monopole du prix. Ils proposent  le prix  des poissons frais ou fumés en fonction de la période et des espèces », nous indique dame Elenga.



Dans un contexte économique de plus en plus difficile, rares sont les familles  congolaises qui peuvent s’offrir le luxe d’un  poisson fumé ou frais. La raison est toute simple : le prix est trop élevé et ceux qui veulent se rabattre sur  la viande se heurtent aux prix imposés par les grossistes.


« Le panier de la ménagère n’existe plus, il s’est transformé en sachet de la ménagère »,  ironisent les femmes sur le marché qui ne savent plus à quel saint se vouer.

« Je suis venue avec 2 000 F au marché depuis 7 heures et à force de comparer le prix des denrées il est 12 h 15 ! Je risque de me retourner sans rien acheter parce que tout est devenu cher. Les mêmes provisions que vous faites lundi à 2 000 F vous les ferez dans une semaine à 2 500 voire 3 000 F. Il est de plus en plus difficile de manger » s’inquiète Mme  Marie-Rose.


A Brazzaville, de nombreuses familles ne cherchent plus à manger à leur faim. Juste le minimum deux (2) ou une (1) fois par jour pour « rester en vie ». Quand les difficultés frappent, on oublie la qualité pour penser quantité.

« Quand vous regardez une sauce tomate de 2023 et celles que nos mères cuisinaient en 1990 ou même avant, vous sentez la différence. Nos sauces sont juste de l’eau portée à ébullition avec quelques légumes. Les  Congolais mangent de plus en plus mal et nos autorités semblent ne pas se soucier de notre sort », estime Mme Prisca.

La question de la cherté de la vie dans le contexte socio-économique assez difficile qui est celui du Congo-Brazzaville mérite une attention particulière. Les autorités  congolaises doivent mener la lutte d’une autre manière et accepter d’abandonner leurs bureaux feutrés pour descendre sur les marchés pour toucher du doigt la souffrance des populations.

Le ministre du Commerce est vivement interpellé sur la hausse exponentielle du prix des denrées de première nécessité sur nos marchés.

Germaine MAPANGA / Les Echos du Congo-Brazzaville