Denis Sassou N’Guesso promet de sanctionner sans exception tous les voleurs de la République

Le Président de la République ne laissera plus les voleurs de la République tranquilles. Tous seront sanctionnés et sans exception. « C’est la vraie décision. Détruire le ver qui est dans le fruit. Peut être pas seulement dans le secteur de la justice, mais dans tous les secteurs de l’administration congolaise », a annoncé Denis Sassou N’Guesso lors de la session ordinaire du Conseil supérieur de la magistrature qui s’est tenue le 27 mars à Brazzaville.

Au Congo-Brazzaville, le haut niveau de la corruption reste une spécificité. Malgré les pressions internationales et de nombreux plans de lutte contre la corruption, la pratique reste une constante de la vie quotidienne.

Racket, pots-de-vin, détournements de fonds publics se retrouvent dans tous les secteurs. Des raisons historiques, économiques et politiques sont à l’origine de ce phénomène qui freine le développement du pays, mais bénéficie à quelques acteurs.

Un contemporain disait déjà : « Ce n’est pas parce que les pays sont riches et développés que la justice est forte, c’est plutôt parce que la justice est forte que les pays sont riches et développés».

En effet, la justice est, par définition, un service public distribué à travers les cours et les tribunaux de la République. Par conséquent, il est de la responsabilité de l’État de rendre la justice de manière institutionnalisée et indépendante du pouvoir politique. Et, surtout, une justice saine et équitable qui ne privilégie pas les nantis.

Des structures inefficaces

La pratique de corruption au Congo-Brazzaville a la peau dure et ce, malgré la mise en place des structures de lutte contre la corruption telles que la Haute autorité de lutte contre la corruption (HALC) afin d’atteindre l’objectif de rupture avec les mentalités déviantes et les comportements négatifs du passé, et dans le souci de prévenir et réprimer plus efficacement les actes de corruption, de concussion et de fraude.

Dans tous les secteurs de l'administration, les Congolais vivent la corruption au quotidien.

Il est devenu de plus en plus ardu d’obtenir normalement un document administratif ou un service dans les délais normalement impartis. Tout recours à l’administration publique ou privée pour un papier ou une pièce spécifique, voire un service dont la délivrance est censée être régentée, du type passeport, carte d’identité, intervention des forces de sécurité, un poste budgétaire, une facture au Trésor public, nécessite un pot-de-vin.

A quelques exceptions près, la corruption est devenue endémique au Congo-Brazzaville et sévit à toutes les étapes de quelque processus que ce soit, particulièrement lorsque de fortes sommes sont en jeu.

La corruption et ses infractions connexes ou assimilées comme la concussion, le trafic d’influence, la soustraction et le détournement des biens, la gestion frauduleuse, l’enrichissement illicite, le favoritisme, la prise illégale d’intérêt, les abus des biens sociaux et le blanchiment des capitaux constituent un obstacle à l’éradication de la pauvreté et sape la capacité du pays d’atteindre ses objectifs du développement.

Le 31 juillet 2016, le président de la Commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude, Lamyr Nguelé, a accusé le Parquet de Brazzaville de ne pas engager les poursuites judiciaires contre les tierces sur certains dossiers avérés.

La Police (contrôle routier, prévention routière, établissement de CNI, gardes à vue abusives…), les Impôts, le Trésor, la Construction, les Douanes, l’Education nationale (concours, intégration des enseignants, doubles salaires, faux enseignants, faux diplômes, budget de fonctionnement alloué aux directeurs, abandon de poste…), la Fonction publique, la Justice (corruption des Magistrats, certificat de nationalité, casier judiciaire, lenteurs…), la Santé (certificats médicaux, vente des médicaments…), le Commerce, le secteur des Forêts (exploitation abusive de la forêt), le secteur des communes (établissement des actes de naissance…), le Transport (permis de conduire), sont les secteurs les plus gangrenés par la corruption au Congo-Brazzaville.

La jeunesse, elle aussi, est affectée par le fléau de la corruption dans le secteur de l’éducation. Les jeunes filles, et parfois mêmes les jeunes garçons, se livrent à des pratiques sexuelles pour l’attribution de meilleures notes, ce que nous appelons communément dans le jargon congolais « les notes sexuellement transmissibles ». Les valeurs fondamentales de l’éducation sont bafouées.

Afin de réduire et même d’éliminer la corruption, le travail doit se faire de manière verticale. Commencer la lutte par le bas implique la sensibilisation du public, car nous sommes tous impliqués d’une manière ou d’une autre. Il est primordial dans ce cas de mettre l’accent sur l’éducation à la citoyenneté. Les services de base demandent une attention particulière notamment les services relatifs à la santé et l’éducation.

Plutôt que des campagnes de sensibilisation sans explications détaillées et parlantes, les méfaits concrets de la corruption doivent être mis en lumière et relayés par les médias et les pouvoirs publics. Nous insistons sur la nécessité de mettre l’accent sur les services de base, car lorsqu’ils fonctionnent, c’est toute la société qui y gagne.

Denis Sassou N’Guesso a tout intérêt à combattre le mal à la racine. Car le niveau de corruption au Congo-Brazzaville ne saurait permettre l'éclosion d'un terreau propice à la prospérité économique, au moment où le pays espère son émergence en 2035.

Dans son message sur l’état de la Nation du 29 décembre 2018, le Président congolais avait déclaré que « Face aux antivaleurs, il n’y aura ni bouclier de protection pour les uns, ni rampe de sanctions pour les autres. Il n’y aura ni menus fretins, ni gros poissons, tout passera dans la nasse de la justice ».

Denis Sassou N’Guesso avait rappelé que la Haute Cour de Justice qui venait d’être installée dans ses attributions devait être urgemment dotée de textes de fonctionnement, afin de s’atteler à sa mission de poursuites de hauts fonctionnaires en délicatesse avec la loi. Aussi a-t-il exhorté ses membres à assumer leurs responsabilités avec efficacité.

«Désormais, à tous les échelons de l’État, chaque acteur est exposé à la rigueur de la loi. Les têtes tomberons certes, mais dans le respect d’une justice indépendante, expurgée de toute pression », a-t-il dit.

Pour des faits « constitutifs des manquements graves aux devoirs du magistrat et en particulier à la dignité et à la délicatesse attendue du magistrat », plus d’une vingtaine de magistrats ont écopé « des sanctions allant de la réprimande avec inscription au dossier, à la révocation avec droit à pension » le 27 mars dernier lors de la session ordinaire du Conseil supérieur de la magistrature à Brazzaville.

A qui le tour demain ?

Qui vivra verra !

Germaine MAPANGA / Les Echos du Congo-Brazzaville