Présidentielle 2016 au Congo: la guerre des chiffres

Après les opérations de votation de dimanche dernier, les résultats de la présidentielle se font toujours attendre. Si les congolais, concernés au premier chef ne disposent toujours pas de tendances officielles, des médias ayant pignon sur rue à Paris donnent dans la surenchère. Chacun y va de ses tendances, contradictoires, les unes les autres, au point d'en appeler à une déflagration.

« Jeune Afrique » ou « Afrique Éducation » ces deux magazines ayant pour ''fonds de commerce'' l'Afrique, ont sur la place de Paris, une visibilité qui leur apporte de facto un rayonnement international.

La particularité de ces deux médias est qu'ils sont perçus par les africains comme des référentiels à même de leur servir les vérités que leurs cachent les gouvernants d'Afrique.

''Jeune Afrique a dit '', ou ''Afrique Éducation a dit'' se boit comme du petit lait, quand bien même, ces magazines de renom peuvent faire avaler des couleuvres, lorsque le fric l'emporte sur le professionnalisme.

La publication des tendances de la présidentielle du 20 mars par l'un ou l'autre média, au mépris même des dispositions légales congolaises et en l'absence des données officielles, apparaît aux yeux de tous comme une habile manipulation, sinon une farce de mauvais goût.

Les conséquences de telles manœuvres orchestrées par des pseudo-journalistes bien au chaud à Paris ne sont sans doute pas perçues par ceux-ci, à moins que dans leur élan machiavélique, ils aient à l'idée que dans un journal, le nombre de morts illustré par des photos ''chocs'', c'est ce qui fait vendre le mieux.

En attendant le choc des photos des émeutes, des troubles et du chaos au Congo-Brazzaville, en attendant le choc des morts dont les illustrations garniront les manchettes, c'est le choc des tendances et des résultats de la présidentielle, auquel se livrent ''Jeune Afrique a dit '', ou ''Afrique Éducation''.

Guerre médiatique ou incitation à la guerre ?

''Denis Sassou Nguesso, le président congolais sortant, obtiendrait 61,4 % des voix sur environ 52, 7 % des suffrages exprimés lors de la présidentielle du 20 mars, selon une note de la CNEI sur les premières tendances du dépouillement consultée par Jeune Afrique.''

''Afrique Éducation'' n'en est pas non plus moins sûr de ce qu'elle affirme avec force-détails.

''L’opération « Collez le dictateur » semble bien fonctionner. Selon les premières tendances dont nous sommes en possession, Denis Sassou Nguesso serait hors course. Bien éliminé.

Le deuxième tour devrait s'ouvrir à Jean Marie Michel Mokoko et Guy Brice Parfait Kolélas.

''Jeune Afrique'' et ''Afrique Éducation sont sans doute dans les secrets des ''dieux''. Ces ''dieux'' qui parfois, au mépris de toute éthique leur ''glissent'' tout, qu'importe, si les conséquences sont désastreuses par la suite.

Pourtant, dans le cas d'espèces, le président de la CNEI, Henri Bouka, qui aurait pu faire office de ''dieu'', dans le cas d'espèce, s'est gardé de donner un quelconque aperçu de la photographie de la présidentielle, lors de sa conférence de presse de lundi 21 mars.

« Les opérations de dépouillement et de compilation des résultats sont terminées sur l'ensemble du territoire national. Depuis ce matin, le trafic routier a repris et les avions peuvent rallier la capitale Brazzaville. Nous attendons à présent que nos différents délégués nous communiquent les supports matériels des différents résultats.

Nous sommes en train de travailler à revérifier les différents résultats, à revérifier les suffrages obtenus en faisant les règles que nous avons l'habitude de faire entre les inscrits, votants, les bulletins nuls, pour trouver les suffrages exprimés et s'assurer que la répartition des voix entre les différents candidats en lice correspond aux suffrages exprimés. Ce sont des opérations de vérification avant de vous donner quelques tendances que ce soit.

S'agissant d'une élection présidentielle, vous savez qu'il y aura une double proclamation. Je ne veux pas donner de date mais, il faut que nous proclamions aussi vite que possible. »

Ces propos du président Henri Bouka appellent à la patience et ne font nullement états de quelconques tendances.

Sur la voie de l’apaisement, l'Union européenne et les États Unis auraient appelé les congolais au calme et au respect des dispositions légales régissant la matière électorale dans le pays. Une invite qui ne semble pas être entendue de tous.

Hélas, les congolais se convaincront au moins d'une chose. Quelles que soient les motivations de tel ou tel autre magazine pyromane, tous agissent comme si quelque chose dépassait en valeur la vie des congolais. Mais alors, quoi ?

Arielle KAMBISSY