Congo : Pool, la guerre occultée ?

C’est un conflit qui dure depuis déjà un an, qui a provoqué la mort de plusieurs soldats et de nombreux déplacés, mais dont on parle peu : la guerre du département du Pool (sud). Un conflit, à huis clos, sans journalistes et sans humanitaires, qui cristallise l’affrontement larvé entre les forces de sécurité et les partisans de l'ancien chef rebelle, Frédéric Bintsamou alias le Pasteur Ntoumi et dans lequel de multiples problématiques s’enchevêtrent.

Des villageois de ce département, on ignore combien, vivent reclus dans ces zones, comme pris en étau depuis le début de cette crise qui s’enlise.

D'autres, 20 000 au minimum, estiment les ONG, ont fui dans le département de la Bouenza (sud), où l’organisation Caritas se bat afin qu'on ne les oublie pas.

Le département du Pool contient 13 districts. Il y a 6 districts qui sont en détresse, voire dans le chaos. Et dans ces districts, la quasi-totalité des villages ont été « détruits, brûlés, des populations se sont déplacées massivement », selon Guy-Brice Parfait Kolélas, à la tête de l'Union des démocrates humanistes Yuki et député de Kinkala, la préfecture du Pool.

Pour le directeur exécutif de l’Observatoire congolais des droits de l'homme (OCDH), Trésor Nzila, « c’est le black-out dans le Pool. Les autorités communiquent très peu ou pas du tout, parfois dans le mensonge. Ce qui est signalé dans le Pool s’arrête à Kinkala, le chef-lieu du département. Or à partir de Kinkala, il est difficile d’apprécier la réalité à l’intérieur du Pool. La situation est beaucoup plus développée à l’intérieur du Pool ».

Une ligne de chemin fer coupée, des écoles fermées, des villages désertés, c'est le tableau d'une vie au ralenti que l'OCDH a dressé récemment dans son rapport.

De son côté, l’église catholique, par le biais de l’archevêque de Brazzaville Monseigneur Milandou, a porté lui aussi un regard sévère et inquiet sur le conflit qui y oppose depuis un an forces de sécurité et partisans du pasteur Ntoumi (leader des rebelles Ninjas du Pool), avec des populations civiles prises en étau.

Selon lui, «il y a des gens qui ne veulent pas que cette guerre cesse. C’est un fonds de commerce aussi ».

Les congolais épris de paix et de justice sont désespérés et exaspérés. Ils ne savent plus à quel saint se vouer.

Du côté du gouvernement, la réponse du premier ministre congolais, Clément Mouamba est claire : «Nous ne dialoguons pas avec un terroriste. Il n’y a pas la peine de mort au Congo. Monsieur Ntoumi lui qui sait très bien qu’il faut qu’il se présente aux forces de l’ordre. Il ne sera pas tué. Il vient. Il subit son procès. C’est tout ce qu’on lui demande. Et qu’il laisse tranquilles les populations qui sont dans cette zone. Pour nous, c’est un bandit qui n’a pas le courage d’affronter la justice de son pays ».

Pour Clément Mouamba, tous ceux qui ont pu quitter les localités dans le Pool ne sont pas du tout abandonnés.

«Nous sommes bien conscients qu’il y a des gens qui veulent bien sortir de cette zone. Nous sommes également conscients que lorsqu’on fait sortir certaines personnes de ces zones, il faut en avoir le cœur net que ce se sont bien des gens qui ne sont pas des faux ninjas déguisés, qu’une fois arrivés à Brazzaville se transformeraient en poseurs de bombes », estime le chef du gouvernement congolais.

S'agit-il d'une opération anti-terroriste comme le disent les autorités ou d'une «crise orchestrée par les autorités», dans une région historiquement frondeuse, comme le dénonce la FIDH ?

Chaque jour ou presque, les congolais qui dénoncent une répression à huis clos dans plusieurs districts de cette région, se demandent à quand la fin de cette crise née, en 2016, au lendemain de la réélection du président Denis Sassou-Nguesso.

Germaine Mapanga