Naguère proscrit, voire réprimé, l'alcoolisme juvénile a tendance à se vulgariser au Congo-Brazzaville. Jeunes désœuvrés ou scolarisés se livrent désormais à la consommation d'alcool dans l'indifférence de tous. Et les dangers sont énormes.
Au Congo-Brazzaville la prévalence de la consommation d'alcool est estimée à 61% chez les jeunes adultes et à un peu plus de 25% chez l'adolescent.
Cette initiation précoce à l'alcool prend des proportions inquiétantes. Les ivresses, conséquence la plus visible de l’alcoolisation, semblent en augmentation chez les jeunes adolescents. Consommer l'alcool est même devenu un critère « d'affirmation » ou de « maturité ». Et on s'en vante. « Je suis well ». « Nous avons baillé sans blague, la bouteille s'est renversée » ...
Les conséquences de cette précocité sont graves. À court terme, les adolescents alcoolisés sont plus victimes d’accidents. Ils sont également plus vulnérables aux violences sexuelles, comme victimes mais aussi comme auteur.
À moyen et long termes, la précocité de contact avec l’alcool est associée à une plus grande dépendance vis-à-vis de l’alcool à l’âge adulte, déstructurant la cellule familiale. Ne disait-on pas « les enfants d'un alcoolique naissent tarés » ?
Pourtant, ce phénomène semble n'inquiéter personne, comme si nul drame ne se jouait. Bien au contraire !
La démission de la cellule familiale avec des parents qui eux mêmes vont chercher régulièrement l'oubli au fond d'un verre ou reviennent si souvent saouls à la maison et se vantent auprès de leur progéniture d'avoir passé une bonne journée ou une bonne soirée, le rôle de la publicité de plus en plus agressive, vantant les effets « bienfaisants » de l'alcool et les « prouesses » qu'il génère dans les activités du quotidien, les médias avec nombre d'émissions sponsorisées par les brasseries ou encore les fréquentations, tout cela fini par pousser l'adolescent à sauter le pas.
Quand on ajoute aux raisons évoquées, le manque de réglementation drastique dans la vente, voire la consommation d'alcool, avec parfois des établissements scolaires qui jouxtent des débits de boisson où les élèves même en tenue peuvent s'attabler et consommer, l’adolescent est livré à une situation de véritable tourmente.
Si au niveau des comportements addictifs de ces adolescents, il est trop tôt d'évoquer les maladies causées par l'alcool dont la cirrhose et l'hypertension artérielle, l'ivresse alcoolique en milieu homogène, garçons et filles, induit d'autres fléaux tous aussi dangereux que l'alcoolisation.
Les comportements sexuels à risques, les viols, voire la pratique précoce des prostituées pour les garçons ou de la prostitution pour les filles s'invitent parfois sans protection systématique.
La consommation d'alcool chez les adolescents sera, si l'on n'y prend garde, non seulement un problème de santé publique, mais aussi un problème sociétal aux conséquences dévastatrices.
Où sont passés les textes tel « la loi Portelat » qui régissait le cadre comportemental des jeunes et adolescents.
Il est vrai, « autres temps, autres mœurs », mais telle que se délite la société juvénile congolaise, on a l'impression que quelque chose nous échappe.
Bertrand BOUKAKA