Les Ouest-africains, rois du commerce au Congo

Dès la fin du XIXème siècle, ils ont accompagné Savorgnan de Brazza sur les rives du Pool. Depuis, nombre de « Sénégalais » se sont établis au Congo. Et ne l'ont plus quitté. À l’époque coloniale, on les appelait « les Sénégalais ». Et pour cause. Pour se rendre au Congo, l’explorateur d’origine italienne, naturalisé français, Pierre Savorgnan de Brazza prenait le bateau à Dakar et emmenait avec lui des « laptots » (militaires africains).

Parmi ces derniers, des Sénégalais, certes, mais aussi des Maliens, des Guinéens et autres Ouest-Africains. Pourtant, ce terme générique n’offusquait personne. « Tout le monde était content. On était tous musulmans, on ne faisait pas de différence entre un Toucouleur, un Sarakolé, un Bambara ou un Wolof car la question des nationalités ne se posait pas à cette époque », explique Kader Diawara, le président de la communauté musulmane de la Grande Mosquée de Brazzaville. Au départ, les Sénégalais ont été installés autour de la mairie de la ville, qui n’était encore qu’un bourg. Ils ont ensuite été déplacés par l’administration coloniale près de la maison d’arrêt (en lieu et place de l’actuel palais de justice, d’où le nom de « Dakar » donné à ses abords), puis dans l’arrondissement de Poto-Poto, dont ils seront les premiers habitants. En 1910, ils y construiront la première mosquée.

Poto-Poto est alors surnommé le quartier des Sénégalais. Au fur et à mesure de l’implantation coloniale française, les laptots vont céder la place aux gens de métiers. « Il n’y avait pratiquement pas d’ouvriers au Congo, précise Kader Diawara. Il a donc fallu faire venir des maçons, des électriciens, des chauffeurs, des mécaniciens, etc. » Certains se sont installés à Pointe-Noire et se sont spécialisés dans la pêche. Quant aux Togolais et Dahoméens (habitants de l’actuel Bénin), surnommés Popos, la plupart sont employés comme comptables par les compagnies concessionnaires, d’autres deviennent magistrats. La vague migratoire qui a suivi est composée principalement de commerçants, attirés par la noix de cola présente au Congo.

Ils se sont d’abord fournis à Mayama, dans le Pool, puis à Impfondo, dans la Likouala, pour progressivement s’établir un peu partout dans la colonie. Puis ils sont passés du négoce de la cola à celui d’autres denrées. Pendant la période coloniale, quelques familles vont sortir du lot, comme la famille Diop, dont sont issus un célèbre chef de quartier, Mamadou Diop, ainsi que le premier commerçant musulman à vendre du manioc de Kinkala sur les marchés de Brazzaville, Sidiki Diop. La famille Thiam s’est distinguée en introduisant la grande pêche fluviale et en créant le port de Yoro, à Brazzaville (lire portrait ci-dessous). La famille Diawara est connue pour avoir développé le -commerce de la noix de cola dans les départements de la Likouala et de la Sangha.

GM