Le Général Mokoko exige le report de la présidentielle du 20 mars prochain

La campagne présidentielle a à peine commencé que déjà certains candidats émettent de substantielles réserves quant à la fiabilité de toutes les opérations préalables, devant garantir une élection crédible. C’est le cas du candidat Jean-Marie Michel Mokoko. Au cours d’une conférence de presse tenue jeudi à Brazzaville, il a relevé de nombreuses zones d’ombre qui à son avis ne garantissent aucun crédit à ce scrutin déjà pipé.

Voici le texte intégral du mot liminaire de Jean-Marie Michel Mokoko devant la presse.

« Mesdames, Messieurs les journalistes,

C'est pour moi un agréable plaisir de vous entretenir enfin ce jour après tant d’occasions ratées depuis mon arrivée.

Je vous prie de trouver ici et maintenant l’expression de ma profonde gratitude pour votre participation à cet échange que je veux, croyez-moi, libre.

Mesdames, Messieurs les journalistes,

Je prends la parole devant vous à un moment particulier de l’histoire de notre pays.

En effet, le Congo, notre pays traverse une crise politique inédite qui résulte du déni de la démocratie consacré par le référendum du 25 octobre 2015 en violation des lois et règlements de la République.

Une nouvelle Constitution dont le texte n’a pas été préalablement soumis au débat public a été voté à la hussarde et promulguée le 06 novembre 2015, faisant sauter les verrous de la limitation des mandats présidentiels décidée par l’historique Conférence Nationale Souveraine de 1991 ; bloquant ainsi l’alternance démocratique et, consacrant de facto la criminalité, l’impunité et le droit de tuer comme l’indiquent les articles 10 et 96 notamment.

Pour se faire une nouvelle légitimité, le Président s’est vu dans l’obligation d’anticiper l’élection présidentielle initialement prévue pour les mois de juillet et août 2016.

C’est ainsi que des préparatifs électoraux ont été prématurément engagés par le ministère de l’intérieur et de la décentralisation avant même l’adoption par le Parlement de la loi électorale devant servir de soubassement juridique à la mascarade électorale annoncée. C’est le cas concernant la publication d’un calendrier électoral et du lancement de l’opération de révision des listes électorales.

Une opération de révision raccourcie des listes électorales annoncée pour le 15 janvier 2016 et qui, malheureusement, n’a démarré que le 25 janvier pour être close le 15 février 2016 ne pouvait pas permettre l’enrôlement exhaustif de la population. En outre, cette opération ne s’est déroulée qu’aux chefs-lieux des districts et arrondissements, constituant ainsi un grand handicap pour une inscription massive des électeurs.

Cette opération qui a été organisée de manière expéditive par les seuls démembrements de l’administration, en tout cas sans la participation de toutes les composantes de l’échiquier politique national, ne peut se prévaloir d’avoir corrigé, ni le gonflement du corps électoral dans les zones septentrionales, favorables au pouvoir, ni sa minoration dans les départements du Sud du pays que le pouvoir affecte à l’opposition, ni les électeurs fictifs, décédés, expatriés ou n’ayant pas l’âge de voter. Cette opération de révision des listes n’a été, en définitive, qu’une mascarade qui préserve les listes électorales contestées depuis 2002.

La loi électorale n° 1*2016 du 24 janvier 2016 a été précipitamment adoptée par le Parlement, sans la moindre considération pour les propositions pertinentes faites par l’opposition. Pour l’essentiel, la loi électorale perpétue l’ordre ancien et réduit la CNEI au statut d'organe d’accompagnement du gouvernement qui continue, comme par le passé, de poser les actes essentiels d’opérations pré-électorales, électorales et post¬électorales. En effet, au titre des articles 15 et 16 nouveaux, la loi électorale invoque une préparation conjointe des élections par le MID et la CNEI alors que cette dernière n’est vouée qu’à en assurer le suivi et le contrôle pour, in fine, se charger de l’organisation des scrutins qu’elle n’aura jamais préparés.

En outre, la date de l’élection présidentielle anticipée a été fixée avant même que le parlement ne débatte de la nouvelle loi électorale et que la commission électorale indépendante ne soit mise en place.

Du reste, la loi électorale est des plus limitatives sur la question de l’indépendance de la CNEI, l’article 17 nouveau circonscrivant la notion d’indépendance dans la capacité de fonctionnement effectif et la prise des décisions concernant uniquement les aspects administratifs.

Les libertés fondamentales des candidats et de leurs sympathisants notamment la libre circulation, la liberté de pensée et de réunion et leur sécurité ne sont ni garanties ni respectées.

En considération de tout ce qui précède, le candidat Jean-Marie Michel MOKOKO proclame que l’organisation de l’élection présidentielle du 20 mars 2016 se fait dans le cadre d’une gouvernance électorale opaque qui ne lui garantit ni transparence, ni crédibilité.

En conséquence, le candidat Jean-Marie Michel MOKOKO exige le report de ce scrutin susceptible d’affecter la paix sociale et la concorde nationale.

Dans ces conditions je me dois de lancer un appel aux Nations Unies, à l'Union Africaine, à l’Union Européenne, à l'Organisation Internationale de la Francophonie, à la CEMAC, à toutes les Institutions Internationales et Organisation Non Gouvernementales concernées par les questions électorales, de n’accorder aucun crédit à ce scrutin déjà pipé.

Vous, forces politiques et sociales congolaises acquises à la paix et à la restauration d’une démocratie véritable dans notre pays, moi, patriote comme vous, j’en appelle à votre responsabilité historique pour qu’ensemble nous sauvions notre patrimoine commun : le Congo.

Fait à Brazzaville, le 3 mars 2016

Jean-Marie Michel MOKOKO »

Bertrand BOUKAKA