Congo - Kouilou : « Tchikambissie », la « Sirène-mère » est très fâchée!

Depuis quelques jours, la côte atlantique congolaise est le théâtre d’événements douloureux qui pour certains férus de la tradition trouvent leur justification dans le déchaînement de la colère des esprits de la mer.

« Tchikambissie wa lilae », « Tchikambissie wa dassoukai ». «Tchikambissie, la sirène-mère pleure », « Tchikambissie est fâchée », tels sont entre autres explications celles données en langue vili par de nombreux habitants du Kouilou et de Pointe-Noire pour justifier les événements pourtant rationnels de ces derniers jours.

Entre mythes et traditions la réalité s'incruste telle un tremplin pour s'imposer à la conscience collective en une évidence irréfutable.

Si dans la Grèce antique, les éléments tels l'air ou le vent pouvaient influencer le raisonnement humain, la tradition vili également trouve une étroite corrélation entre la mer, les « esprit » qui la peuplent et la vie des habitants de la cote, voire du Congo tout entier.

Reçue par le président de la république le 28 novembre dernier, la délégation du Kouilou, composée du roi Maloango et des sages ne disait-elle pas qu'elle était porteuse du message de « Tchikambissie », la « sirène-mère » qui régnerait en maîtresse sur l’océan atlantique ainsi que les peuplades riveraines ?

Depuis la survenue des événements du 4 avril ainsi que les opérations en cours dans le département du Pool avec les pertes en vies humaines qui s'y rattachent, Tchikambissie serait très fâchée.

C'est la colère de « Tchikambissie » qui aurait par exemple provoqué l'incendie de la plate-forme pétrolière Foukanda en mer ou encore la chute de la flèche télescopique d'une grue sur l'hôtel Elaïs à Pointe-Noire.

La ville elle même a connu trois jours de pluies quasi incessantes, qui seraient les larmes d'une « Tchikambissie » désormais inconsolable. Les eaux charriées par ce « déluge » ont causé de nombreux dégâts.

Ainsi déchaînée, prédisent les traditionalistes, « Tchikambissie est capable du pire et en guise de punition d'autres catastrophes plus graves pourraient subvenir si les congolais ne reviennent pas à de meilleurs sentiments, en cultivant l'amour, la fraternité et la paix.

Dans les cas extrêmes, elle « assécherait les puits de pétrole, cette matière qu'elle offre généreusement pour que les congolais, ses enfants, ne meurent pas de faim ».

Entre mythe et réalité, il y a tout de même lieu de s’approprier cette légende pleine d'enseignements qui se calquent sur notre réalité.

De quoi convenir avec Birago Diop :

Écoutes plus souvent les choses que les Êtres

Entends la voix de l'eau

Écoutes dans le vent le buisson en sanglot

C'est le souffle des ancêtres...

Bertrand BOUKAKA