Congo – Évocation : Bernard Kolelas, 7 ans déjà !

Il y a 7 ans, le 12 novembre 2009, décédait à Paris en France, Bernard Bakana Kolelas, à l'âge de 76 ans. Le président fondateur du MCDDI quittait la terre des hommes après un parcours politique riche en rebondissements, voire des plus controversés.

Ses militants et fanatiques l’appelaient « Moïse ». « Tâta », cet homme qui électrisait les foules et galvanisait les masses dans un élan culturel et messianique tirés de la cosmogonie Kongo, avait la magie du verbe.

En référence à « Moïse », la vie de Bernard Kolélas, ne fut pas un long fleuve tranquille. Celle-ci fut émaillée de tribulations qui eurent pour point de départ la chute de son mentor, le président Fulbert Youlou.

En août 1963, Bernard Kolélas, adopte une attitude distante vis-à-vis du régime du président Alphonse  Massamba-Débat, dont il ne partage pas l'idéologie socialiste. Le 16 août 1963, à l'instar de Lazare Matsocota pour le portefeuille de la Justice, il refuse le poste de ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement Massamba Debat.

C'est le début d'une longue série d'épreuves qui feront de lui « l'opposant patenté », le « contre-révolutionnaire invétéré » des gouvernements successifs dont il sera le souffre-douleur.

En août 1964, il est impliqué dans l'affaire du trafic d'armes et sa tête est mise à prix. Il se réfugie au Congo-Kinshassa.

En 1965, alerté par des partisans et des amis étrangers, que la vie du président Fulbert Youlou est en danger, il organise et réussit l'évasion de celui-ci. C'est un coup de maître. Il en est félicité par le président Kasa-Vubu et le premier ministre Moïse Tshombe qui avaient hésité à tenter l'opération.

En août 1968, à la faveur de l'amnistie générale décrétée par le président  Marien Ngouabi après sa prise de pouvoir, il rentre à Brazzaville. Il est arrêté à sa descente d'avion et transféré à la maison d'arrêt de Brazzaville. Le tribunal le condamne à un mois de prison avec sursis pour usage de faux passeport. Il cassera le jugement et gagnera le procès. Il est réintégré dans la fonction publique et rejoint le ministère des Affaires étrangères.

En octobre 1969, il est arrêté à titre de témoin dans l'affaire du triple assassinat de Matsocota Pouabou et Massoueme de février 1965.

Le 7 novembre 1969, alors qu'il se trouvait à la prison centrale de Brazzaville, il est accusé d'être le principal organisateur d'un complot visant à renverser le régime dirigé par le président Marien Ngouabi. Il est exposé au stade Éboué avec ses compagnons d'infortune pris d'assaut par une foule compacte. Le président Marien Ngouabi refusera d'appliquer la sentence suprême prononcée par une cour martiale, il la fera commuer en prison à vie usant de son droit de grâce.

Le 31 mars 1970, il est transféré à la prison de Ouesso. En 1974, il est libéré à la suite d'une amnistie et mis en résidence surveillée à Etoumbi. En 1975, la mesure d'assignation à résidence est levée, il rejoint Brazzaville.

En 1989, alors que souffle déjà le vent de la perestroïka, il crée clandestinement le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCDDI). Plusieurs personnalités l'accompagnent dans son action : Sony Labou Tansi, Antoine Letembet-Ambili, Jean-Blaise Kololo, Abel Matangou, le Dr Alphonse Nganga Mungwa, Jerôme Dzalamou etc. Le parti est enregistré en 1990, après la légalisation du multipartisme. Le MCDDI est un des acteurs majeurs de la Conférence Nationale Souveraine de 1991 et l'appui de Bernard Kolélas est décisif dans l'élection d'André Milongo au poste de Premier ministre du gouvernement de transition. Ses militants disent alors de lui qu'il est « l'homme à qui l'histoire a donné raison ».

Avec l'avènement de la démocratie pluraliste, Bernard Kolélas récolte les dividendes de son opposition constante au monopartisme depuis les années soixante. Le MCDDI s'impose rapidement comme un des grands partis. Cependant, son audience se limite surtout aux ressortissants de la région du Pool, dont Bernard Kolélas est originaire. Le parti de « Ya Bekol » comme on le nomme déjà, est perçu par les populations comme l'émanation politique de cette région. Le poids démographique de son groupe ethnique permet à Bernard Kolelas d'être l'un des hommes politiques les plus importants de la nouvelle donne.

Les élections de 1992 voit le MCDDI obtenir une majorité relative à Brazzaville aux élections locales, et la quasi-totalité des sièges de députés dans la région du Pool. Au premier tour de l'élection présidentielle Bernard Kolélas est deuxième, derrière Pascal Lissouba. Au second tour, il est nettement battu, n'obtenant que 38 % des voix contre plus de 61 % de voix pour Pascal Lissouba qui bénéficie du report des voix de Denis Sassou Nguesso.

Bernard Kolelas devient la principale figure de l'opposition au moment où l'alliance électorale entre Pascal Lissouba et Denis Sassou Nguesso tourne au « marché des dupes. Bernard Kolelas s'allie à Denis Sassou Ngesso. Tous deux forment un groupement de partis autour de l'alliance URD-PCT et apparentés. Cette alliance revendique la majorité à l'assemblée et renverse le gouvernement.

À l'approche de la fin du mandat présidentiel de Pascal Lissouba, l'alliance Kolelas-Sassou, formellement valide, est en réalité défunte.

Au début de la guerre civile du 5 juin 1997, Bernard Kolelas joue les médiateurs entre les deux belligérants, Pascal Lissouba et Denis Sassou-Nguesso. Il finit par se positionner aux côtés de Pascal Lissouba, qui le nomme Premier ministre en remplacement de Charles David Ganao, le 13 septembre 1997.

Le 15 octobre 1997, la victoire des forces de Denis Sassou-Nguesso, le contraint à l'exil.

En octobre 2005, amnistié par le président Sassou-Nguesso, Bernard Kolelas rentre à Brazzaville pour les obsèques de son épouse, décédée en France le 29 septembre. Il amorce un rapprochement politique avec le régime en place. Les élections législatives de 2007 lui permettent de retrouver une partie de son audience auprès de son électorat. Il est élu député de Goma Tsé-Tsé. Deux de ses fils entrent également à l'Assemblée nationale. Quelques personnalités du MCDDI sont nommés au gouvernement.

Cependant son aura auprès de la population a considérablement diminuée. Lors de l'élection présidentielle de juillet 2009, Bernard Kolelas appelle à voter pour Denis Sassou N'Guesso. Son ancien électorat ne le suit pas vraiment et l'abstention est très élevée.

Le 12 novembre 2009, Bernard Bakana Kolelas décède en France à l'âge de 76 ans. Il est inhumé le 22 novembre à Nsouélé dans le district de Goma Tsé-Tsé.

En ce dimanche 13 novembre, des messes d'action de grâce son célébrées en sa mémoire. Des cérémonies sobres, pour une famille biologique désormais politiquement divisée.

Bertrand BOUKAKA