France – Présidentielles 2017 : Nicolas Sarkozy coure t-il vers une ''strauss-khanisation'' ?

Qui donc ne se souvient de l'arrestation au commissariat de Harlem de Dominique Strauss-Kahn, le 14 mai 2011. Il était accusé d'avoir agressé sexuellement une femme de chambre, Nafissatou Diallo, dans la suite no 2806 de l'hôtel Sofitel de New York, le jour même. 

Compte tenu de la gravité des actes invoqués, la juridiction de l'État de New York procéda à la mise en détention provisoire de Dominique Strauss-Kahn et engagea une procédure pénale.

L'arrestation de Dominique Strauss-Kahn connut un retentissement international. Elle entraîna sa démission du poste de directeur général du Fonds monétaire international(FMI). De même, elle l’empêchât de se présenter à l'élection primaire, organisée les 9 et 16 octobre 2011 par le Parti socialiste et le Parti radical de gauche, afin de désigner leur candidat commun à l'élection présidentielle de 2012. Dominique Strauss-Kahn était pressenti comme favori des primaires mais aussi des présidentielles.

Sans commune mesure avec les déboires de son préposé adversaire potentiel de 2012, Nicolas Sarkozy n'est pas moins lesté par les affaires qu'il traîne telles des casseroles de plus en plus bruyantes au point que les sonorités incommodent même dans son propre camp. Certains impétrants pour les primaires ''Les Républicains'' dans laquelle il est engagé, s'en délectent désormais comme du petit lait.

Il est vrai que Nicolas Sarkozy, bénéficiant de la présomption d'innocence s'est jusque là tiré des accusations lancées contre lui par d'habiles pirouettes. Mais cette fois-ci, l'étau semble se resserrer sur lui.

Désormais en situation de concurrents, ceux dont Nicolas Sarkozy sait qu'ils savaient, qu'ils soupçonnaient ou suspectaient quelque chose, ont décidé de s'affranchir de leur resserve. Ils sont devenus même plus loquace qu'il ne faut.

Dans cette guerre de positionnement pour la primaire ''Les Républicains'', ce ne sont pas tant les armes et le droit qui comptent désormais, mais la victoire.

Jean-François Dopé et Jérôme Lavrilleux multiplient les accusations contre le clan Sarkozy. Jérôme Lavrilleux, mis en examen dans l'affaire Bygmalion, affirme dans un entretien au Monde que d'importantes sommes en liquide circulaient pendant la campagne de 2007.

Lavrilleux, Sarkozy, Copé. Finie l'omerta 

L'accusation de Jérôme Lavrilleux est déjà étudiée par les juges qui enquêtent sur l'affaire Bygmalion. Ils ont notamment en mémoire une chambre forte louée par Claude Guéant à la BNP, où devaient être stockées des "archives personnelles" de Nicolas Sarkozy. 

Pour Jean-François Copé, un tel afflux d'argent liquide en 2007 est la preuve que la campagne de Nicolas Sarkozy a bien été financée par des fonds extérieurs. On sait que les meetings ont coûté 22 ou 23 millions de plus. Sarkozy se fragilise en voulant mentir' estime l'élu. 

En clair, Jean-François Copé estime que la campagne de 2012 ayant crevé le plafond des dépenses légales, c'est qu'elle a été financée par la Libye. Une idée confortée par Jérôme Lavrilleux qui estime que "celui qui fait office d’agent libyen en 2012, c’est l’UMP". En référence aux dizaines de milliers d'euros de facture que le candidat Sarkozy est soupçonné d'avoir fait régler par son parti en 2012, au lieu de les déclarer sur ses comptes de campagne.

L'enquête sur le financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy progresse. Selon Mediapart, un nouveau document atteste des millions reçus par l'ancien président de la République. 

Un carnet secret, actuellement entre les mains de la justice, comporte la trace écrites de versements d'argent reçus en 2007 par Nicolas Sarkozy ou son entourage, en provenance du régime de Mouammar Kadhafi. 

D'après les informations de Mediapart, c'est un carnet ayant appartenu à Choukri Ghanem qui a révélé à la justice l'ampleur des versements reçus depuis la Libye. Choukri Ghanem, ministre de Kadhafi entre 2003 et 2011, est mort noyé en 2012 à Vienne. Mais ses écrits, entamés en 2007, attesteraient d'un financement illégal de la campagne de Nicolas Sarkozy. 

Le carnet, dont Mediapart publie les révélations, a été retrouvé aux Pays-Bas chez le gendre de Choukri Ghanem, dont le logement était perquisitionné lors d'une enquête pour des faits de corruption massive mettant en cause une entreprise norvégienne. Il a ensuite été transmis à la justice norvégienne avant d'atterrir sur le bureaux des juges français. 

De son côté, Nicolas Sarkozy a toujours nié avoir touché de l'argent du colonel Kadhafi, qui avait été reçu à Paris en 2007. Dans de précédentes révélations, les journalistes de Mediapart avaient déjà publié un document de l'administration libyenne attestant des versements effectués par le régime de Tripoli. Des accusations confirmées par les propos du fils du guide lybien, Saïf al-Islam qui avait demandé dans une vidéo, à Nicolas Sarkozy, de "rendre l'argent".

Les juges financiers parisiens s'interrogeaient notamment sur la découverte lors d'une perquisition en février 2013 d'un virement de 500.000 euros sur le compte de l'ancien ministre de l'Intérieur Claude Guéant.

Claude Guéant avait justifié ce virement - provenant d'un compte à l'étranger - par la vente en 2008 à un avocat malaisien de deux tableaux d'un peintre flamand du XVIIe, Andries van Eertvelt. Mais des experts avaient contesté la valorisation de ces œuvres. 

Selon Moussa Koussa, ex-chef des renseignements extérieurs libyens, Tripoli avait accepté de financer pour "50 millions d'euros" la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy.

Le nom de Claude Guéant gravite aussi autour de l'arbitrage Tapie et des primes en liquide qu'il a perçues quand il était directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, au ministère de l'Intérieur.

Dans l'affaire Tapie, l'homme d'affaire a toujours affirmé n'avoir pas touché la totalité des sommes évoquées. Et si le différentiel était la commission rétrocédée à Nicolas Sarkozy pour sa campagne, d'où son empressement à débourser ces sommes faramineuses par une procédure presque inappropriée.

Nicolas Sarkozy ne connaîtra certes pas l'humiliation d'être présenté menotté, aux médias du monde entier. N'empêche, comme un animal traqué et cerné, l'étau se resserre de plus en plus sur lui et ses chances de s'échapper se réduisent.

Affaire Bétancourt, affaire Tapie, affaire Bygmalion, affaire Kadhafi, affaire Société Générale, etc, la ligne de défense de Nicolas Sarkozy reste la même. Lui n'a jamais rien su ou que les choses se sont faites dans son dos.

Si, le disant, Nicolas Sarkozy est sincère, autant convenir qu'avec pareille légèreté dans la gestion des affaires même les plus sensibles au sommet de l'État, l'homme, à l'opposé de ce qu'il prétend être, n'a pas l'étoffe de dirigeant car diriger, c'est aussi tout voir, pour être sûr que tout marche. Même quand on a délégué des responsabilités par confiance, cela n’exclut pas le contrôle.

Et puis, plutôt que de toujours se défausser sur ses collaborateurs, le chef c'est aussi celui qui le cas échéant, assume. Dur, dur d'être Sarko !

Benoît BIKINDOU