Congo – Finances: Le spectre d'une dévaluation du franc CFA hante les ménages

La nouvelle s'invite désormais dans les discussions au bureau, dans le bus ou dans les « ngandas ». Le francs CFA sera de nouveau dévalué. Cette perspective jette un froid sur de nombreux ménages qui y voient une diminution de leur pouvoir d'achat notamment pour les produits importés d'Europe.

Aline est commerçante, et ne manque presque jamais de petites coupures au point qu'elle accepte de faire le change, « la monnaie » comme on aime communément à le dire au Congo.

À son amie qui lui sollicite la « monnaie » de 10.000 francs, elle répond qu'elle garde désormais tout son argent en euros, afin de profiter de la dévaluation du francs CFA qui s’annonce et ne saurait tarder.

Vraie ou supposée, cette dévaluation du francs CFA se « consomme » désormais au quotidien et le manque de communication des autorités pour en infirmer ou confirmer la perspective, ajoute de la force à la rumeur.

De nombreux congolais ont en mémoire la dévaluation du franc CFA qui avait déstructuré le commerce, alors qu'elle visait à résorber les déséquilibres économiques et financiers profonds apparus au cours de la seconde moitié des années 80.

La dévaluation visait alors trois objectifs : le rétablissement de la compétitivité externe des économies de la Zone franc et le redressement des balances commerciales. La réduction des déficits budgétaires et la reprise de la croissance.

Ainsi, la dévaluation devait en premier lieu, stimuler les exportations et freiner les importations. L'effet-prix de la dévaluation étant immédiat, la balance commerciale devait se dégrader dans un premier temps avant de se redresser à la suite de l'effet-quantité qui ne se manifeste généralement qu'au terme d'un certain délai, et dont l'importance dépend, entre autres, de la structure du commerce extérieur et de l'ampleur de la dévaluation.

Quant à la réduction des déficits budgétaires, l'augmentation des prix exprimés en francs CFA des importations et des exportations, conjuguée à la croissance en volume de ces dernières, devait permettre d’accroître les recettes budgétaires, largement dépendantes de l'imposition du commerce extérieur, et partant, de contribuer à la résorption des déficits publics.

Enfin, la reprise de la croissance devait signer le retour à la confiance, dû à la crédibilité d'une parité plus réaliste, une meilleure gestion des finances publiques et une reprise des exportations, devaient favoriser une reprise durable de la croissance économique.

Un peu plus de 20 ans après la mise en place de ces mécanismes savamment pensés, on semble être revenu à la case de départ.

La dévaluation du franc CFA se préciserait-t-elle, au regard du dernier rapport du Trésorier général de la Banque de France ?

On y apprend que le franc CFA de la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique centrale, Cémac avec le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Tchad, la Guinée équatoriale et le Gabon pourra perdre 50% de sa valeur pour se fixer à 1 euro égal 1300FCFA sanctionnant ainsi la contre-performance des économies de la région.

Après le Tchad, le Gabon, ou le Congo qui ont connu la visite du FMI, c’était le tour du Cameroun de demander un crédit de 666, 2 millions de dollars en échange d’un redressement économique dû à la chute des prix pétroliers.

Si la mise sur pied de ce dispositif rentre dans le cadre de la réforme de la politique monétaire de la Banque de France, elle a un lien aussi et surtout avec le contexte régional marqué par la vulnérabilité de la situation de la trésorerie de plusieurs banques nationales, en liaison notamment avec les difficultés financières des États, a reconnu le gouverneur de la BEAC Toli Mahamat.

Le programme d’aide du FMI courant semble s’aligner à une crise économique qui fait resurgir le spectre d’une dévaluation du FCFA.

Lors d’une récente interview, le président tchadien Idriss Deby Itno a rappelé la convention qui lie la France à ses ex-colonies au sujet du FCFA dont le président sortant « François Hollande s’était montré plutôt favorable à une renégociation des termes ».

Bertrand BOUKAKA